« Citius, altius, fortius », la devise des JO, colle à la peau et au destin de Stephen Boyer, parvenu au sommet du volley-ball mondial plus vite, plus haut et plus fort que les autres. En dix ans, des collines de Saint-François aux balcons de Vérone, le Dionysien a vécu une fulgurante ascension.

Il y a dix ans de cela, quand le frêle enfant de Saint-François pointait le bout de ses semelles au gymnase du quartier, dans les pas de son inséparable frère, Nicolas, qui aurait pu lui prédire un tel destin ? Pas grand monde. Sauf peut-être l’une de ses premières éducatrices au Saint-Denis Olympique, Sara Munari. En se rappelant au bon souvenir du marmaille de 13 ans, « très athlètique mais pas encore très grand », dit-elle, la formatrice du SDOVB a vite senti la fibre qui germait en lui. « Il était déterminé à partir au pôle si on lui donnait sa chance. Et pas besoin de lui en parler deux fois. C’était son chemin… »
Stephen Boyer lui-même confirmera, quelques années plus tard, au moment de sa précoce éclosion dans le monde professionnel, que c’était bien l’état d’esprit qui l’animait à l’époque. « Je suis parti en fermant les yeux. J’ai foncé tête baissée », confiait-il ainsi aux rédacteurs de la FFVB, après ses trois premières saisons à Chaumont, où il a cassé la baraque de manière fracassante. Comme bon nombre de jeunes mordus réunionnais, c’est lors des Volleyades, le grand rendez-vous national pour la catégorie minimes, qu’il tape dans l’oeil des détecteurs. Et quand les portes du pôle espoirs de Bordeaux s’ouvrent pour lui, Stephen fonce, comme il l’avait prédit.
Sa formation se poursuit en Gironde, sous la coupe de Stéphane Faure, l’homme aux 350 sélections tricolores, qui repère assez vite les qualités naturelles dont est doté Boyer. Au bout de quelques semaines à peine, une première cape en équipe de France cadets vient récompenser le choix de l’ « ex-îlé ». L’ascenseur vers les cimes de la discipline est en marche. Et il s’avérera difficile, voire impossible, de l’arrêter.

Un nom, trois prénoms

Après une année d’apprentissage intensif à Talence, l’attaquant-né rejoint logiquement les rangs du Centre national de volley-ball (CNVB) à Montpellier. Et sa majorité à peine atteinte, la trajectoire de l’enfant prodige prend un nouveau virage déterminant lorsque le Gazélec d’Ajaccio (Ligue A) lui fait signer son premier contrat pro. À 18 ans, le « casse-papaye sans gaulette » (1,96 m) tutoie l’élite du volley-ball français. Mais le baptême dans la cour des grands n’est pas évident. Bordé par un coach manquant gravement de flair, l’apprenti ronge son frein sur le banc en tant que douzième homme. À l’issue de cette saison blanche et sèche, la médaille d’or glanée aux Jeux des Îles 2015 au sein de la sélection 974, où son temps de jeu n’est pas beaucoup plus large, viendra à peine le consoler.
La véritable récompense intervient quelques semaines plus tard. Ayant muté à l’intersaison au Chaumont VB52, ses qualités éclatent au grand jour sous la férule du maestro italien, Silvano Prandi, qui projette le réceptionneur-attaquant de formation à la pointe de l’attaque chaumontaise. Banco ! Pour son premier match en LAM dans la peau d’un titulaire, le bizuth fait exploser presque à lui seul le champion en titre tourangeau sur son parquet (1-3), inscrivant 21 points en ouverture de l’exercice 2015-2016. Alors, quand la semaine suivante, il en passe 26 au Paris Volley, les observateurs commencent à s’intéresser à son cas. En deux rencontres à peine, celui que les spécialistes de L’Equipe appellent encore à l’époque « Pierre Jean Stephen » Boyer se fait un nom. Et trois prénoms par la même occasion.
Mais les journalistes ne sont pas les seuls à s’émerveiller des interminables envolées de la comète dionysienne. Elles interpellent aussi un certain Laurent Tillie. Sacré meilleur marqueur dès sa première véritable saison en Ligue A, le Réunionnais est devenu incontournable. Et un beau jour de mai 2016, il accuse réception de sa première convocation en équipe de France A, dans le cadre d’un tournoi de qualification olympique au Japon. Au contact des N’Gapeth, Toniutti et autres Rouzier, des joueurs qui avaient fait luire son iris lors d’un France-Chine au Stade de l’Est dans ses jeunes années, le marmaille vit un rêve éveillé. « Six ans plus tôt, je les regardais des tribunes à La Réunion et là, je me retrouve au milieu d’eux. C’était magique !»

Million dollars Yavbou

Encore un peu trop vert pour intégrer la « Yavbou » family en vue des Jeux de Rio, Stephen reste en salle d’attente. Pas pour très longtemps. Dans la foulée d’une campagne olympique en deçà des attentes (9e), Antonin Rouzier, pointu attitré des Bleus depuis une décennie, prend sa retraite internationale. La voie est libre. Et Boyer s’engouffre dans la brèche. Dès ses premières sorties, là encore, il crève l’écran. Étincelant à Lyon, en tournoi de qualification pour les Mondiaux, il confirme les espoirs placés en lui par coach Tillie. Et explose littéralement aux yeux de la planète volley en marchant sur l’eau lors de la Ligue mondiale qui s’ensuit au Brésil, la nation du volley roi. Meilleur marqueur de la compétition, il décroche le jackpot en empochant le chèque d’un million de dollars promis aux vainqueurs. Et se positionne désormais comme l’un des attaquants les plus redoutés du globe.
Le millésime 2017 s’avère un très grand cru. Car quelques mois avant de grimper sur le toit du monde, « La Boye » offre à Chaumont son premier titre de champion de France. Héros du peuple à Jean-Masson, où frémit le public le plus chaud de l’Hexagone, Stephen « Air » Boyer marque l’histoire du club à tout jamais. C’est donc le cœur gros qu’il décide de faire ses valises à l’orée de la saison 2018-2019, direction l’Italie. Nouveau bras armé du six de Vérone, le conquérant au grand « kèr » fait déjà des ravages dans la cité de Roméo et Juliette. À mi-parcours, il pointe en tête du classement des meilleurs scoreurs en Serie A, se positionnant pour devenir le premier joueur français à épingler cette distinction individuelle dans le championnat italien.
Ayant déjà remporté à peu près tout ce qu’un volleyeur peut ambitionner de gagner, Stephen Boyer a cependant encore de belles pages à remplir. La plus belle d’entre elles s’écrira à Tokyo, en 2020, où les Bleus partiront en quête de l’or olympique. Un rendez-vous qui a du sens pour le grand fan de Daniel Narcisse, seul et unique sportif réunionnais de l’Histoire pouvant se targuer d’être seigneur des anneaux.

Texte : Etienne GRONDIN
Photo : Pierre Marchal

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