Jackson « Moïse » Richardson est sans doute le sportif réunionnais le plus connu dans le monde. Le champion du monde 1995 et 2001, meilleur joueur de la planète hand 1995 symbolise à merveille tout le génie que peut délivrer le sport favori des Réunionnais.
Peut-on parler de don lorsqu’on évoque la carrière de joueur de Jackson Richardson ? Certainement. Car si le Saint-Pierrois d’origine a pu accomplir une carrière internationale forte de deux titres de champion du monde, d’un trophée de meilleur joueur de la planète et de pas moins de 417 sélections en équipe de France, il le doit à un cadeau du ciel, de cette part de génétique sans laquelle rien n’est possible. Mais aussi à un travail assidu et à une capacité à se sublimer dans les grandes occasions.
Car Jackson Richardson, 50 ans le 14 juin prochain, aurait pu tout aussi bien briller dans d’autres sports de balle. D’ailleurs, il l’a fait dans ses toutes jeunes années, atavisme familial pour le basket et le football oblige. La Saint-Pierroise lui tendait les bras, mais c’est vers le Saint-Pierre HBC que ses rêves de gloire se sont tournés. Et, à moins de 20 ans, il n’a pas tardé à taper dans le viseur des recruteurs extérieurs lorsqu’il enflamma un jour de coupe de France le stade de l’Est en dynamitant à lui tout seul le Montpellier de Philippe Médard.
Mais n’allez pas croire que le chemin vers la gloire fut un long fleuve tranquille. Jackson est certes repéré par un certain Daniel Costantini, entraîneur de l’équipe de France, lors d’une tournée dans l’île en 1988 et intègre le Bataillon de Joinville, antichambre obligée et salvatrice pour tout sportif ultra-marin d’atteindre le plus haut niveau. Paris-Asnières est désormais son nouveau point d’attache, club référence à l’époque de Nationale 1A. Celui que l’on surnomme « l’Américain », eut égard à son patronyme, brûle les étapes. Equipe de France junior puis équipe de France A qui n’a rien à voir à l’époque avec l’actuelle armada qui domine le monde depuis plus d’une décennie.
Lorsqu’il m’a été donné de le voir « de visu » en bleu, au tournoi de Bercy 1990, le coach des Tricolores ne voulait pas tout dévoiler de son admiration pour son demi-centre, véritable funambule de la petite balle. Voulant sans doute le préserver des médias, Daniel Costantini m’avait étonnamment loué son esprit d’abnégation, sa propension à vouloir s’intégrer dans un collectif naissant. Bref à adopter une identité collective tout en gardant des spécificités individuelles propres.
L’alchimie entre ces qualités que l’on pourrait trouver antinomiques s’est magnifiquement concrétisée au fil des matches internationaux. Jackson a poursuivi sa quête nationale sous des cieux plus ensoleillés, à l’OM Vitrolles pour six saisons, en même temps qu’une âme collective naît sous la tunique bleue. « Bronzé » à Barcelone en 1992 – il est élu meilleur joueur du tournoi olympique –, il devient « barjot » l’année suivante avec l’argent du championnat du monde puis l’or dans cette même compétition deux ans plus tard. Il atteint alors le Graal de tout handballeur, le titre de meilleur joueur de la planète lui étant décerné par la Fédération internationale.
« Chapardeur » de balle
Mais ce n’est rien comparé à la suite. Car Jackson, sous des dehors débonnaires et relâchés, est un monstre de longévité. Il quitte Marseille pour l’Allemagne et Grosswallstadt, remporte une deuxième coupe d’Europe, met le cap sur le pays Basque espagnol et Pampelune pour remporter la plus prestigieuse compétition de club, la Ligue des champions, face au monstre barcelonais. En équipe France, il devient « costaud » et permet à la France de remporter son deuxième titre mondial en 2001 après un quart de finale ébouriffant où il donne le droit à ses équipiers d’atteindre les prolongations après un but de « mort de faim ».
Après le retour en France en 2005, à Chambéry, où il accueille un certain Daniel Narcisse, Jackson Richardson boucle la boucle de joueur en 2009 au Rhein Neckar Löwen et une demi-finale de Ligue des champions. Non sans avoir été porté en triomphe par ses ex-coéquipiers à l’issue de la finale olympique gagnée de Pékin en 2008 face à l’Islande. Depuis, il s’est mué dans la peau de dirigeant (Monaco en 2011), entraîneur-adjoint à Chambéry où il assiste aux débuts de son fils Melvyn, qui devient l’une des révélations du dernier mondial, puis entraîneur au Dijon Métropole Handball, qu’il quitte en 2018 après avoir donné son accord en avril 2017 pour coacher l’équipe nationale gabonaise qu’il porte jusqu’au quart de finale de la coupe d’Afrique des Nations.
Sa vie est retracée, c’est bien le moins que l’on pouvait faire, au travers d’un livre, « Jack L’inventeur », aux éditions de la Lagune, avec Laurent Moisset, préface de Zinédine Zidane. Hommage est rendu à ce joueur hors normes, ce « chapardeur » de ballon hors pair, qui a fait de la « roucoulette » sa marque de fabrique et qui a rendu fous de joie des millions de spectateurs et de téléspectateurs béats devant ses exploits. Jackson, tu es vraiment unique…
Texte : Jean Baptiste Cadet
Photo : Bycoco
Jackson Richardson, 49 ans, 417 sélections, MVP en 1995, double champion du monde 1995 et 2001