Après avoir fait une pause nécessaire avec le kyokushinkai, le jeune Louis-André Goulay est de retour sur les tatamis. Sonnant le réveil du tigre qui sommeillait en lui, c’est toutes griffes dehors que le Karaté Kid de La Possession repart à la conquête du monde : il a rendez vous les 03 et 04 novembre 2018 à Astana, en République du Kazakhstan.

On l’appelle le « Tigre ». Et ce n’est pas pour lui déplaire. « Je m’y retrouve dans l’agressivité. Comme lui, je suis un chasseur. Et puis, le tigre affronte souvent plus costaud que lui. Moi, c’est la même chose. Comme je suis petit, je n’ai pas vraiment le choix. Ça m’a obligé à développer assez tôt des techniques qu’on voyait généralement chez les adultes. Et comme ça a marché, j’ai continué… »
En toute simplicité, Louis-André Goulay introduit son propos. La notion d’humilité fait partie intégrante de son être. Et de son art. Elle lui a notamment été inculquée par Sensei Pierre Grondin, le 7e dan du RKH de Sainte-Clotilde – plus haut gradé sur l’île à enseigner le karaté – qui l’a pris sous sa coupe depuis quatre ans maintenant. Cette valeur propre à « l’école de la vérité ultime », Louis-André en avait cependant déjà naturellement hérité dans le sillage d’un grand-père paternel haut en couleur en tant qu’ancien « gorille » du général De Gaulle. Entre autres. LE grand inspirateur de sa vie.
« C’est vraiment lui mon idole. Mon papy a fait plusieurs guerres (Corée, Algérie…) et c’est de lui que vient ma motivation principale. C’est aussi pour ça que plus tard, j’aimerais rejoindre les forces d’élite de la Gendarmerie (GIGN). Il m’apporte beaucoup, même si aujourd’hui, il n’est plus là. Mais j’ai eu la chance de connaître cette personne hors du commun. Un jour, il a pris une grenade et 99 balles, enfermé dans sa voiture, dont quelques-unes dans le ventre, et il s’en est sorti ! J’ai entendu cette histoire 3 000 fois et je suis toujours aussi impressionné à chaque fois… Souvent, je pense à lui quand j’ai mal en combat et ça m’aide énormément. »
Les mots parlent d’eux-mêmes. Ils expliquent aussi ce fort attachement à la patrie que l’ambassadeur de l’IRT entretient depuis son plus jeune âge. « Aux Etats-Unis, il y a des drapeaux de partout. Nous, parfois, on a peur de dire qu’on est Français. On se cache un peu. Moi je ne me cache pas, j’en suis fier », revendique le natif de Tananarive, tout aussi attaché à ses origines malgaches, aux côtés de sa maman, Tahiry, avec qui il entretient une relation fusionnelle. A n’en pas douter, l’une des autres clés de sa réussite martiale. « A Tana, son premier sport, c’était le judo », glisse d’ailleurs sa mère en aparté, évoquant ses débuts sportifs sur l’île Rouge. Dès l’âge de 3 ans, l’attirance pour le combat était déjà là.

« J’ai grandi et j’ai retrouvé l’envie »

C’est à cet âge-là aussi que le Karaté Kid vient s’établir à La Réunion. A La Possession plus précisément. Cette commune – dont il est aujourd’hui citoyen d’honneur – est celle qui précipitera son destin dans « la voie de la main et du vide ». Un peu par hasard, à quelques pas de sa tanière, le bébé-tigre donne ses premiers coups de griffes en kyokushinkai sous la coupe de Jean-Michel Magdeleine, dès l’âge de quatre ans et demi. Le flash est immédiat et la passion dévorante. Un félidé est né.
D’une précocité rare, le petit scarabée de Maître Oyama, père-fondateur de cette frange dure du karaté-do, née à Tokyo dans les années 50, franchit les paliers à vitesse grand V. A 8 ans, il honore sa première convocation en bleu et participe un an plus tard à son premier championnat d’Europe sous le kimono de l’équipe de France. International à 9 ans. Et pas juste pour faire genre… « Je termine troisième en kata dans une catégorie avec des adultes. Et je fais champion d’Europe dans ma catégorie en kumité. C’est cette compétition-là qui m’a révélé et m’a donné envie de continuer surtout », rembobine la mascotte du Team France, dont Bertrand Kron, l’entraîneur national, n’a pas mis longtemps à détecter l’éclatant potentiel.
Débute alors un parcours du combattant. Au sens propre du terme. Les compétitions internationales s’enchaînent et les coups pleuvent. Un voyage initiatique dans les hautes sphères mondiales de la discipline qui va permettre au marmaille de papa Jean-Luc – présent à ses côtés à chacune de ses batailles – de s’élever. Mais qui va l’user aussi. Il y a deux ans et demi, en Grèce, le jeune Goulay réalise un doublé européen en or inédit (kata/kumité). « Je voulais sortir par la grande porte, explique l’adolescent de 14 ans. Mais après cette compétition, j’ai fait un break nécessaire avec le karaté car je saturais. Ça m’a permis de me rendre compte de la place importante que le kyokushin occupait dans ma vie. Aujourd’hui, j’ai grandi et j’ai retrouvé l’envie. »
Le rugby, le golf, le tir au pistolet – dont il fut champion de France au passage –, le squash, la plongée sous-marine… Toutes ces activités sportives sur lesquelles le Possessionnais s’était appuyé pour compenser son manque de combats, sont aujourd’hui redevenues annexes. L’oeil du Tigre scrute de nouveau sa proie. En mars dernier, c’est à Melbourne que le félin de l’océan Indien a posé ses pattes à l’occasion du Arnold Classic Australia. Un gigantesque rassemblement d’arts martiaux parrainé par « Schwarzy » himself où notre ambassadeur 974 n’a pas manqué de courage. Victime d’un enfoncement des métatarses en demie, suite à un coup de pied puissant dans le genou de son opposant, il a dû serrer les dents, contre l’avis des médecins, pour défendre ses chances en finale face à un Golgoth australien. « Mon adversaire était plus fort et plus large mais je n’ai pas reculé. Si je n’avais pas eu mon problème au pied, j’aurais sûrement gagné. Je le tenais », regrette Louis-André, fracturé mais argenté à l’arrivée.

« Entendre raisonner La Marseillaise sur un podium mondial »

Une expérience supplémentaire qui le conforte dans sa décision. Engagé sur un « contrat de trois ans », tel qu’il le définit lui-même, le prodige réunionnais a prévu de cocher deux épreuves internationales par an à son calendrier. En octobre prochain, il aimerait se rendre au Mexique pour sa deuxième sortie en 2017. Un choix qui ne doit rien au hasard. « J’ai combattu en Asie, en Afrique, en Europe, en Océanie, en Amérique du Nord mais pas encore en Amérique centrale, ni du Sud. C’est le seul terrain encore inconquis », ironise le grand petit homme, rêvant secrètement d’aller planter une banderille bleu-blanc-rouge dans l’autre pays de la corrida.
Mais l’aboutissement absolu en quête duquel Louis-André Goulay axe l’essentiel de son énergie depuis plus d’une décennie déjà, nul besoin de le pousser beaucoup pour qu’il le dévoile. Il est profondément ancré dans sa mémoire vive. « Le jour où j’entendrai résonner La Marseillaise sur un podium mondial, mon rêve se réalisera. En kyokushin, il n’y a encore aucun champion du monde français. Si je pouvais être le premier Français à inscrire mon nom au palmarès, ce serait un bel accomplissement. Un beau rêve. »
Le rêve d’un Tigre bel et bien réveillé.

Etienne GRONDIN
Photo : Pierre Marchal

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