Importateur de marques moto mythiques à La Réunion, le Saint-Gillois a participé à une vingtaine de rallye-raids. Dont le Dakar Afrique. Ambiances.

SOLEX. « J’ai commencé le tout terrain avec des Solex sans moteur vers 10-12 ans. Je m’étais aménagé un mini circuit près de la ferme familiale à Saint-Malo. J’ai eu ma première moto, une CR 125 que me prêtait mon frère, à 17 ans. Je roulais essentiellement dans les champs et sur le terrain de Romagné. C’est un haut-lieu du motocross. Je pouvais enfin assouvir ma passion que je vivais jusque-là par procuration dans les magazines spécialisés ».

MENTOR (1). A 20 ans, en 1987, le hasard me fait rencontrer Marcel Pilet, une grande figure du Paris-Dakar qui tient un atelier moto à Romagné. Le courant passe tout de suite. Je commence à travailler avec lui. Je m’occupe de la partie administrative et commerciale, lui de la partie mécanique. Il a de l’or dans les doigts, c’est un orfèvre. Je me forme à ses côtés, je passe des nuits à reproduire ce qu’il m’a enseigné. Je ne dormais quasiment pas. Et puis, ça va s’avérer essentiel pour moi, il me parle du Dakar et il me présente des gens vivant la course de l’intérieur. Je côtoie des pilotes connus et les gens incontournables de l’industrie moto. Je suis vraiment dans mon élément, c’est le bonheur. D’autant que Marcel est un excellent narrateur. Il me raconte un tas d’histoires sur le rallye et sur l’Afrique. Les deux sujets me passionnent. Je sais ce que je veux faire ».

MENTOR (2). « Pendant les vacances d’aout , Marcel m’emmène en Afrique, au Maroc, vendre des voitures. Il connait bien la filière. Il a été jusqu’au Bénin avec des 404 et des 504. Là, il prend une Mercedes et moi une Ford que j’avais payé 500 francs. On descend la France et l’Espagne pour se retrouver au Maroc. On dort à la belle, on se baigne dans les rivières, je découvre sa façon de vivre. Il est très proche de la nature et se repère d’après les étoiles, c’est magique. On vend les voitures, il me fait découvrir le Maroc. Je suis complètement conquis par le pays et sa population ».

MENTOR (3). Marcel propose de me prêter sa moto, une 250 XR avec laquelle il avait fait le Dakar, pour participer à un rallye-raid de quinze jours réservé aux moins de 25 ans au Maroc. J’avais tellement écouter ses histoires qu’en arrivant sur place, non seulement je ne suis pas dépaysé mais je me sens dans mon élément, je ne suis pas surpris. Je finis très loin parce que la moto est en mauvais état. J’y retourne l’année suivante, avec une 600 XR cette fois, et je gagne. C’est la confirmation que ça me plaît complètement. Parallèlement, Marcel devient pilote d’usine chez Honda et je m’occupe de ses relations publiques » .

RUN. Je m’étais créé un bon réseau chez les sponsors mais la première guerre du Golfe à remis pas mal de choses en question. Il n’y a plus d’argent. Je dois en trouver parce que j’ai envie de continuer le rallye-raid. Je me dis qu’il n’y a pas 36 solutions. Je dois monter ma propre affaire et bosser de façon démultipliée. Je me dis pourquoi pas La Réunion. Un gars dont nous avions préparé la moto quelques années auparavant m’avait laissé ses coordonnées à Saint-Gilles. Je l’appelle, il m’explique que l’île manque de mécaniciens moto expérimentés, je prends un billet d’avion, je constate sur place qu’il y a un potentiel pour travailler dans la moto, je rentre déménager et je reviens m’installer définitivement. J’ai 23 ans et j’y suis toujours ».

SPIRIT (1). « On a tendance à l’oublier mais l’esprit de départ du rallye-raid tel que Thierry Sabine l’avait imaginé avec le Paris-Dakar, c’est une course de vitesse mais aussi et surtout d’orientation, autant que possible dans le désert. Je suis un passionné du désert. Partir le matin dans un espace désertique, c’est un défi contre soi, une véritable épreuve de la vie. Il faut garder la tête froide, gérer ses émotions, ne pas craquer. La nature, en particulier le désert, vous renvoie systématiquement à l’humilité ».

SPIRIT (2). « Le gros compromis, c’est d’aller vite, sans se tromper d’itinéraire. C’est ce qui nous plaît à tous. C’est pour ça que le Dakar actuel, en Amérique du Sud, est beaucoup moins intéressant. C’est devenu une course de vitesse pure, sans le paramètre orientation. A titre d’exemple, avant de partir au Dakar en Afrique, Peterhansel, quand il disait au revoir à ses parents, expliquait avoir l’impression de partir à la guerre. Cette course était une course pour la survie. C’est ce qui en a fait un mythe ».

SELF. « Une moto bien préparée, c’est une course mieux appréhendée. Surtout lorsque comme moi, vous courez sans assistance. Comme nous roulons très vite sur des endroits très dangereux que nous ne connaissons pas, la prise de risque est à la fois vitale et permanente, beaucoup plus importante qu’en voiture. Ce n’est donc pas plus mal si on a préparé la moto soi-même, on va mieux connaître ses réactions. Tout maîtriser sur sa moto, tout faire soi-même, je trouve ça sécurisant ».

FINIR. « Le challenge, c’est d’abord de terminer le rallye. Tellement de gens abandonnent. Nous sommes là pour le pilotage, l’aventure et le dépassement de soi. Mentalement, il faut être très costaud. Non seulement c’est dangereux mais c’est également éprouvant. Finir un rallye, c’est une victoire sur soi-même. C’est aussi le résultat d’une fusion avec les grands espaces et de rencontres humaines incomparables ».

DUNES. « Traverser un désert, c’est comme traverser un océan. On est tout seul, tout petit, au milieu des éléments. Quand je me lance dans un champ de dunes, même avec l’expérience qui est la mienne aujourd’hui, la peur est toujours présente. C’est la nature qui s’impose à moi et non l’inverse. Le désert, il bouge, il n’est jamais pareil, c’est l’inconnu perpétuel. Lorsque j’en sors, je suis heureux car j’en sors forcément grandi.

AME. « C’est un sport où on est souvent seul. J’aime bien cet aspect. Ca me permet de faire un travail d’introspection. Quand on fait 1000 kilomètres dans la journée, on a des moments pour réfléchir sur soi, se poser la question de savoir pourquoi on est là à cet instant précis. Je le répète, se retrouver seul face aux éléments, ça tend vers le mystique, ça permet de grandir ».

Entretien : Arthur Fontaine
Photos : Pierre Marchal

A 50 ans, Stéphane Hamard a participé à une vingtaine de rallye-raids à travers le monde (Tunisie, Maroc, Libye, Turquie, Egypte, Dubaï, Argentine, Roumanie). Il a couru 3 Dakar Afrique, le plus mythique, 3 Dakar Amérique du Sud, le plus populaire, 1 Saint-Petersbourg/Pékin, le plus long et le plus éprouvant.

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