Véritable « mort de faim » sur un ring de K1 rules, Florent Kaouachi est, à la ville, le compagnon de la championne Lucie Ignace. Pas de quoi perturber ce combattant très cool.

Des deux, il ne reste plus que lui sur le devant de la scène sportive. Florent Kaouachi, 30 ans, occupe le centre du ring alors que sa compagne, Lucie Ignace, s’est retirée des tatamis. Pas l’ombre d’un signe d’irritation chez le colosse des moins de 93 kilos, la décision de la triple championne d’Europe de karaté et championne du monde étant « mûrement réfléchie ». « J’ai suivi Lucie à 100 % dans sa décision après les embrouilles de la fédération et sa non-sélection pour le championnat du monde. C’est vrai qu’elle s’était fixé les Jeux de Tokyo comme objectif mais, désormais, elle a tourné la page. » C’est plutôt dans le regard que porte le public que Florent laisse transpirer une pointe d’agacement. « Les gens viennent lui rappeler à quel point la décision de la fédé était injuste. »

Etre le compagnon de Lucie Ignace a sans doute changé le regard porté sur Florent Kaouachi, lui-même vice-champion du monde et d’Europe amateur IFMA de muay yhaï, détenteur de trois ceintures ISKA chez les lourds (moins de 93 kg) en K1 rules, version plus « libre » du kick-boxing. « Disons qu’on me reconnaît plus facilement dans la rue », admet-il avec un sourire. Il est vrai aussi que les nombreuses publicités, panneaux 4×3 ou supports papier, ont aidé à « cibler » le couple de champions. « Ça fait plaisir mais ça ne m’a jamais tourné à la tête », confirme l’homme qui fait preuve d’un aplomb et d’un calme impressionnants.

Il a forgé son corps en « déménageant » !

Pourtant, lorsque Florent Kaouachi débute le muay thaï, à l’âge de 15 ans, il n’a sûrement pas d’objectif planétaire. Il arrive dans l’île en compagnie de ses parents, son père possédant une entreprise de déménagement au Port. Il met les gants avec ses potes du lycée saint-louisien sous la direction d’Abdel Malik, « juste pour le fun ». A 18 ans, sans passer par la case bac, il repart en métropole et transborde avec son père armoires, frigos et caisses dans les ministères parisiens.

Ces journées à déménager lui forgent un corps d’athlète et Florent pousse les portes d’un club de Sarcelles, « pas plus chaud qu’ailleurs » au demeurant. Retour dans l’île à 21 ans et embauche en alternance  à La Poste. C’est là qu’il recroise la route d’Emmanuel Payet à Baobab Tampon. « Il était déjà venu « taper » à Saint-Louis. Le club tournait à fond, grâce au « noyau dur » composé de Mathias Rivière ou Guillaume Payet avec Fabrice Melano à la baguette. « Une super ambiance », assure notre homme. Ambiance thaïe comme il se doit. Les titres tombent rapidement : champion de France espoirs et Elite chez les amateurs.

Les frontières de l’île sont déjà trop étroites pour le « mi-lourd » tamponnais. La Malaisie sera son premier fait d’arme avec un titre de vice-champion du monde amateur IFMA de muay thaï, performance confirmée quelques mois plus tard au championnat d’Europe en Pologne où, malheureusement,  il se blesse assez sérieusement en finale, ligaments croisés du genou touchés. Les quelques mois de convalescence et l’appel du pied des responsables de la boxe anglaise lui ouvrent les portes de la sélection pour les Jeux des îles 2015 à La Réunion. «J’ai eu la confirmation qu’il y a un monde entre les gars qui ne font que de l’anglaise et les autres. J’ai battu un Malgache en demie, un sérieux client, mais j’ai perdu contre le Seychellois en finale, un vrai spécialiste. »

Un championnat du monde en mai

L’intermède des Jeux ne clôt pas son histoire d’amour avec la boxe thaïe. En Thaïlande, il fait la connaissance de Dany Coquet, promoteur, entraîneur, gestionnaire de l’ATTB Troyes, en Champagne. Avec lui, il remporte une ceinture intercontinentale et trois ceintures mondiales. « Puis un différend est apparu entre nous deux et j’ai coupé court notre collaboration. » Mais pas avec son nouveau virage pris en K1 rules. « Je me suis adapté rapidement au K1 et je ne pourrai plus revenir au muay thaï. » Ni à Troyes, c’est sûr. « Je suis désormais avec First Fight Prod à La Réunion, sociétaire du Mahmoudi Gym à Bonneuil-sur-Marne dans la banlieue sud de Paris, où je prépare mes combats à l’extérieur de l’île. »

Surtout, Florent a signé avec le One Championship, propriété de magnats chinois qui entendent bien concurrencer l’UFC. La franchise est suivie par 11 millions de followers sur Facebook. Les combats se déroulent aux quatre coins du globe dans une cage et combinent le MMA, le K1 et la boxe thaïe dans la même soirée. « Je boxe le plus souvent avec des mitaines de MMA, explique Florent. Les petits gants, c’est particulier, chaque coup qui arrive fait que tu vois ta vie défiler ! » Ainsi, mi-avril en Russie, il doit honorer la première de ses trois dates annuelles du One Championship. « Je devais boxer en janvier à Djakarta mais ça ne s’est pas fait. Après la Russie, au mois de mai, Malick Yong Fong et First Fight Prod devraient m’organiser un championnat du monde. »

Porte-drapeau de La Poste

Pour cela, Florent Kaouachi doit rester dans une forme optimale. Et il ne lésine pas sur la quantité et la qualité. « Je mets les gants avec tout le monde ici.  Avec Ismaël [Emmanuel], chez Jean-Luc Robert, au CTC de Saint-Pierre, avec Eric Dagard ou Jean-Claude Jeanson… Je n’ai aucune exclusive car pour progresser, on doit mettre toutes les forces locales en commun pour progresser. » Ayant pleinement conscience de ses qualités comme ses lacunes, le fighter péi apprend. De sa victoire contre un Marocain du Chok Dee Dionysien de juin dernier, comme de sa défaite en août 2018 en Malaisie face à un Lituanien.

A  30 ans, Florent Kaouachi se donne encore quelques années pour rester au sommet de l’affiche. Sa vie professionnelle suit une belle progression. Affiche visible de La Poste – il n’y a guère que Betty Correa, qui a été championne du monde de kick-boxing, à avoir également porté le drapeau jaune au plus haut – Florent est désormais chargé de clientèle au siège du centre-ville de Saint-Denis et dispose d’horaires aménagés pour mener sa quête. « Je me donne jusqu’à 34 ans et honorer quelques gros contrats pour rester au top. » Sitôt son travail quotidien achevé, le Saint-Leusien file à la salle et enchaîne les rounds. Le plus souvent au CTC de Saint-Pierre. « Avec les combats qui vont s’enchaîner, et après une année 2018 assez calme, je dois être au top au moment voulu. Et mettre tous les atouts de mon côté. »

L’après ? Il n’y pense pas trop. Encore « neuf » dans la discipline du K1 rules, Florent sait qu’il n’a pas atteint son pic. « Je suis conscient d’être bien entouré. C’est à moi de faire ce qu’il faut pour être encore meilleur. »  Et ensuite penser à une reconversion. Pourquoi pas avec le projet d’ouverture d’une salle. « Pourquoi pas », sourit-il. C’est tout le mal qu’on lui souhaite…

Texte: Jean Baptiste Cadet
Photo: Pierre Marchal

30 ans, champion du monde K1 rules (-92 kg) ceinture ISKA

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