Classé légende du Celtic de Glasgow, le Saint-Pierrois Didier Agathe a rejoint le staff technique de la Park View Academy et du club de Chester-le-Street United près de Newcastle. Il aimerait en faire un tremplin pour les jeunes talents réunionnais.

Avec le Celtic de Glasgow, Didier Agathe a disputé quatre campagnes de Champion’s League et une finale de coupe UEFA perdue contre le FC Porto de José Mourinho.

Comment êtes-vous arrivé à rejoindre le staff technique de l’académie sportive de Park View et du club de Chester-le-Street United ?

Didier Agathe : « Après le travail que j’ai entrepris à mon retour à La Réunion, j’ai toujours souhaité vivre pleinement ma reconversion en restant dans le milieu du football. Et pour cela l’Angleterre est vraiment le cadre idéal pour moi. Je n’avais jamais coupé mes liens avec le football britannique. Ce qui a déjà permis à de nombreux jeunes réunionnais de découvrir un environnement professionnel exceptionnel et même de tenter leurs chances. J’ai eu la saison dernière une première expérience de manager avec le club voisin de Durham. C’est là que Park View et Chester-le-Street United sont entrés en contact avec moi. Le cadre de travail y est incomparable, entre Sunderland et Newcastle des villes où, comme dans toute l’Angleterre, le football est une religion.

Pouvez-vous nous présenter cette académie ?
Le complexe de l’académie des sports de Park View a été créé en 2017. Il comprend aujourd’hui plusieurs sections sportives : les académies de football garçons et filles, le cricket, la natation, le rugby, les avirons ou encore le Net ball. Les installations sont hors du commun. Les terrains, les salles de sport à la disposition des jeunes n’ont rien à voir avec ce que l’on peut imaginer à La Réunion. Rien n’est laissé au hasard. La réussite des jeunes sportifs est une priorité absolue. A Park View, les études et l’après football prennent aussi une dimension qui les mettent dans les meilleures conditions possibles. C’est une structure où tous les coachs sont diplômés.

Vous êtes également coach du club de Chester-le- street United. Quelles sont ses ambitions et ses rapports avec l’académie ?
Le club de Chester-le-Street United a été créé en relation avec l’académie de Park View il y a deux ans. C’est un tremplin. L’équipe participe au championnat seniors en 7e division. La priorité est vraiment donnée au développement des jeunes joueurs avec plus de 85 sections de jeunes. De nombreux échanges et matchs ont lieu avec les équipes des grands clubs professionnels d’autant plus qu’on vient de signer un partenariat avec le club de Huddersfield qui évoluait il y a deux ans encore en Premier league. Ce qui permet aux meilleurs d’être suivis et repérés par les recruteurs pour faire des essais dans ces clubs. C’est là où mon rôle est d’ailleurs le plus important. En plus d’être manager de Chester-Le-Street United, il est d’ouvrir la porte des clubs professionnels à nos jeunes. C’est le cas de Harrison Clark qui a signé pro à Livingston en Ecosse en juillet. Il y a aussi Reyhan qui est suivi par Manchester City et Huddersfield. Notre notorité nous permet aujourd’hui de recruter les meilleurs jeunes de la région et de toute l’Angleterre. On a actuellement des jeunes venus de Londres. Les nouvelles régles du Brexit nous permettent aussi d’avoir des jeunes de différents clubs professionnels qui peuvent rester chez nous jusqu’à leur 18 ans. Notre académie a été élue meilleure académie du Nord Est de l’Angleterre. Cela démontre toute sa valeur.

Les nouvelles règles du Brexit ont elles changé la donne pour les jeunes ?
« La plupart des grands clubs anglais ont trouvé la parade en devenant propriétaires ou en s’associant avec des clubs français et dans d’autres pays européens. Manchester City l’a fait en rachetant Troyes en Ligue 1, Giron en Espagne ou Hummel en Belgique par exemple. C’est ainsi que ces grands clubs peuvent accueillir les talents qu’ils repèrent ailleurs qu’en Angleterre. Après, ils les placent dans leurs filiales avant de pouvoir les faire revenir au sein de leurs effectifs pros. »

Les académies sont très présentes en Angleterre. Elles ont un rôle très important. Quelle différence avec le système français ?
L’Angleterre est un pays ou la culture du football est complétement différente de ce que nous connaissons en Europe. Les académies sont effectivement nombreuses. Elles préparent les jeunes dés le plus jeune âge afin qu’ils soient repérés par les grands clubs.
Ces académies peuvent encadrer les jeunes parfois jusqu’à l’âge de 22/23 ans comme c’est le cas de Park View et Chester Le Street United. Il y a dans le circuit beaucoup plus encore de jeunes qu’en France pour peu d’élu au plus haut niveau de la premier League ou du championship, la seconde division professionnelle. Mais en Angleterre, en 7e, 8e division les joueurs peuvent aussi poursuivre une progression intéressante.
Pour vous donner un exemple de ce que représentent les académies, les propriétaires de Park View investissement actuellement dans un stade complémentaire pour Chester-le-Street United. Il y a peut-être des clubs de ligue 2 en France qui n’ont pas les moyens de certaines académies en Angleterre. Chez nous, en 7e division, pour travailler, les jeunes bénéficient par exemple de la vidéo à chaque entrainement et à chaque match. L’encadrement médical est aussi à la hauteur avec du personnel à plein temps. »

« Un milieu où rien n’est acquis d’avance »

Quels sont les exigences du football anglais pour les jeunes en formation ?
« Elles sont à tous les niveaux : dans le travail, dans le comportement, dans la discipline, ou encore l’hygiène de vie ! Les clubs et les académies investissent beaucoup dans les installations et l’encadrement. Leurs attentes sont donc très grandes. Les jeunes réunionnais ont parfois du mal à appréhender ces attentes. C’est également un milieu où rien n’est acquis d’avance. Il faut faire ses preuves tous les jours, être patient et s’investir à fond dans son projet. C’est peut-être cette dimension qui manque à nos jeunes à La Réunion.»

« Le talent à lui seul ne suffit pas pour percer »

Les jeunes réunionnais peuvent-ils correspondre aux profils que recherchent ces académies et les clubs ?
« Je n’en doute absolument pas. Mais pour réussir en Angleterre, encore plus qu’ailleurs, c’est la rigueur, l’engagement personnel qui fait la différence. Nous avons de talents, beaucoup de talents à La Réunion mais des talents bruts. Le talent à lui seul ne suffit pas pour percer. La langue peut-être aussi une barrière mais avec une vraie volonté, c’est vite effacé. La faculté de s’adapter à un environnement différent est peut-être plus difficile à surmonter. C’est là que mon rôle de grand frère est aussi primordial. L’idée est vraiment de créer un pont entre La Réunion et l’Angleterre. Il faut que nos jeunes s’ouvrent davantage et qu’on les prépare à cela aussi ! J’ai actuellement avec moi ici 26 réunionnais.

Les jeunes réunionnais qui séjournent à Park View payent 2499 euros pour 6 semaines de stage tout compris à l’exception de leurs billets d’avion. Ils peuvent rester 6 mois minimum sur un visa touristique sans que l’académie – ou moi-même d’ailleurs – ne faisions de profits sur leur séjour. Il faut savoir que pour les Canadiens, américains et les anglais cette académie leur coûte normalement plus 33 000 euros à l’année.

Ceci étant dit, sachant que ce n’est pas pas dans notre culture de payer pour jouer au foot, j’ai négocié un pack de 6 semaines pour permettre à nos jeunes, en dehors du foot, d’avoir une vraie expérience de vie dans un pays différent et de découvrir autre chose. J’en profite aussi pour dire que je n’ai pas à me justifier de ce que je fais. Les parents et les jeunes présents à Park View peuvent le faire à ma place. Je ne suis absolument pas meilleur que qui ce soit pour donner des leçons de morale mais, tous les jours que Dieu fait, ma foi me fait avancer. »

Pendant les huit années passées en Ecosse (au Celtic de Glasgow) et en Angleterre (à Aston Villa) vous avez construit un solide réseau dans football britannique.
« Nous avons des liens d’amitiés très solides. Bon nombre d’anciens joueurs du Celtic avec lesquels j’ai joué pendant plusieurs années sont devenus de grands entraineurs ou coachs dans les équipes de jeunes de grands clubs et d’académies comme Brendan Rogers à Leicester ou Martin O’Neil, l’ancien sélectionneur de l’équipe d’Irlande, David Fernandez à Manchester City, ou Ian Lavery d’Everton qui est déjà venu à La Réunion sur mes stages…

Avec Brendan Rogers, l’entraineur de Leicester
« Entre nous, nous échangeons nos informations et nos contacts quand les clubs nous font part de leurs besoins » poursuit Didier Agathe. « Dans ce réseau, nous continuons tous à transmettre et surtout à aider les jeunes pour qu’ils vivent ce que nous avons-nous même vécu dans nos carrières. Nous voulons leur donner toutes les chances de réussir. C’est en tout cas mon souhait le plus cher pour les jeunes réunionnais que nous recevons à Park View. » NDLR : Didier Agathe est aujourd’hui titulaire du diplôme d’entraineur UEFA À et prépare sa licence pro.

«Je ne suis pas un agent » précise Didier Agathe. « C’est une profession très contrôlée en Angleterre comme en France. Nous nous faisons notre travail, ensuite les recruteurs, les agents, les clubs prennent le relais. De mon côté, je continue tous les jours à apprendre le métier et à être aussi passionné par ce que je fais. »

Avec le Celtic de Glasgow, Didier Agathe a disputé quatre campagnes de Champion’s League et une finale de coupe UEFA perdue contre le FC Porto de José Mourinho
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