On m’a vu aux grands dehors faire un trip volcanique, dans un effort pas trop classique… (Avril ayant été fort arrosé et les sentiers rendus bien « kaskassés », occasion d’un « On the road again »…)

C’était dimanche dernier, le 9 mai 21, entre Bras Panon et Pierrefonds : « Les 100 kilomètres du Sud Sauvage », en approche de la 1ère édition de ce format sur l’île de La Réunion, le mois prochain, et dont la tête d’affiche sera une élite bretonne… Logique, car c’est une contrée finistérienne, Cléder, paradis entre Terre et Mer, qui demeure le lieu mythique au regard de cette épreuve. Pour moi, c’est une vieille histoire ; avant d’en revenir à mon dernier 100 km d’entraînement sur notre île, voici l’écho de mes expériences de cette épreuve, en compétition à Cléder :
Parti peu après minuit en vieille casserole roulante depuis le département 22, de Saint Brieuc les choux – mais avec de belles berlines aux pieds -, j’arrive dans le 29, après 100 km, au bourg perdu de Cléder les artichauts, autour de son seul bar bien animé, qui arrose, autant de boissons ses hôtes en délires, que tout le village de chansons sacrément paillardes, et dont certaines continueront de m’amuser en guise de gimmicks au fil de 100 km à pied cette fois, tel le refrain « Le Duc de Bordeaux », vinaigrette métaphorique pour sacré cresson cochon… (Réservé aux « connoisseurs »…)
Ambiance en revanche très calme, à pas feutrés, avec des mines monacales, concentrées voire graves, dans salle des fêtes, organisée en camp de base où beaucoup, parmi les vieux briscards inscrits, ont dormi sur place et tentent de lire leur course dans le café de leur plateau petit déjeuner… Perso, j’arrive prêt et frais comme le temps (une dizaine de jours après l’exigeant trail « Arc en Ciel » de La Réunion) ; parfaitement détendu pour ce genre d’épreuve, je ne ressens aucune pression ; que le plaisir de me retrouver en cette Mecque du 100 km, dans une contrée qui m’est familière. Si, dans une Diagonale des Fous, on est tributaire des effets de meute, de technicités, jamais à l’abri d’une éventuelle chute, blessure, et autres problèmes (bien que cela ne me soit jamais arrivé), en revanche, sur un 100 km, c’est vraiment du billard… En effet, peu d’aléas à craindre, faut juste avoir de la caisse pour aller jusqu’au bout.
Heureusement que nous avons un digne dépositaire de la mémoire des courses en la personne de Michel Jourdan avec son excellent site RUNRAID ; mais il convient de souligner qu’ici, eurent lieux les championnats du monde de cette distance – auxquels participa l’illustre coureur réunionnais Denis Bornot, un authentique athlète d’exception dont les talentueuses qualités n’ont d’égales que l’humilité et la discrétion -, et que s’y préparent pour l’année prochaine, les championnats de France, où je serai de nouveau de la partie. Rien que ça…
Sitôt le coup de pétard donné, habitué aux démarrages très toniques à La Réunion, je me retrouve seul derrière la moto d’ouverture et son reporter en mode « Tour de France », à faire la boucle dans les rues de Cléder, puis à prendre la poudre d’escampette dans la nuit sur cet air du « Duc de Bordeaux » qui continue de résonner dans ma chevauchée peu raisonnable… A la faveur de quelques côtes en lacets, j’aperçois le petit trio de virils suiveurs avec leurs frontales qui dansent dans la campagne endormie. A l’approche du 25ème km, cependant qu’on égrène mon petit pedigree à la sono, – étrange d’entendre ici « Transvolcano, Caldeira, M.Trail T., U.T.B., Diagonale des Fous… », dans le Finistère, mais moins « Trail du Bout du Monde » où j’ai pas mal tourné -, conscient que je pète plus haut que mon …, (oui, en Bretagne on ne se prive pas moins de bons crus que d’expression crues…) je les laisse passer. La nuit, tous les chats sont gris, mais maintenant qu’il fait jour, on peut distinguer les félins, évaluer leurs forces…
C’est en vieux lion que je venais de faire « l’Arc en Ciel » de La Réunion… Et pas certain que la récupération fondamentale soit véritablement complète et optimale pour l’ultra-fond plus roulant ; par ailleurs, les engagés sur ce 100 km ne sont pas des amateurs comme moi, très loin s’en faut : l’ami, illustre spécialiste français du 100 km, Mickael Jeanne (Gdm St James) que je retrouve chaque année sur le marathon bosselé de St André des Eaux, l’Italien Silvio Bertone (Ganane Runnwg Arcuit) qui me dira au repas pris ensemble à l’arrivée, avoir été bien surpris de mon entame de course, et Piero Lattarico (EAG 38), un spécialiste des 24 heures, dont il a été maintes fois vainqueur…
Néanmoins, jusqu’au 75ème, je tourne encore sur un bon rythme en compagnie d’un kényan dont l’évident profil sportif me rappelle que je ne suis toujours pas vraiment à ma place (même si c’est lui qui abandonne, sans que je parvienne à l’en dissuader)… Je vais enfin la retrouver, ma place, au fil des 25 derniers km où les jambes s’alourdissent sensiblement, la vitesse se réduit nettement ; et je suis ramassé par une quinzaine de limiers de l’ultra-endurance… C’est logique et je reste satisfait de ma course ; Mickael me dira qu’il aime ainsi courir, ne pas se retenir si on a envie d’envoyer, sans calcul… Quand on a la caisse, on arrive toujours au bout, parfois en parvenant à maintenir un bon tempo, d’autres fois en devant se calmer sérieusement, mais au moins on s’est fait plaisir avec une dose de panache. Esprit breton bien connu! L’essentiel reste de ne pas se cramer bêtement au point de compromettre la suite, et ça, avec l’expérience, on sait parfaitement l’éviter…
Faire les 20 premiers km en 1h22, – après je ne regarderai plus les temps… – c’était évidemment bien trop rapide pour espérer tenir les 80 km suivants sur un rythme optimal, mais finir néanmoins 22ème au scratch en 9 h heures et quelques, ça reste satisfaisant à près de 60 balais. Et ça tombe bien pour un représentant du 22, voisines Côtes d’Armor… (Dossard 23 cette année, ce sera le 536 l’an prochain.)
Le convivial repas de récupération est très gastronomique, hors normes et digne de l’accueil breton : crabe/mayonnaise maison, charcuteries pays, cidres et rouges… C’est ça aussi la Bretagne, on bouge bien, on mange bien ; tu m’étonnes que le Covid reste à la porte de cette sacrée région au caractère bien trempé comme les paysages peuplés d’hommes forts, aussi joyeux que disciplinés… Une remise des prix non moins à la bretonne, assortie d’énormes et lourds cageots de fruits et légumes bios du coin, se déroule dans une chaleureuse ambiance…
Il est bien dommage qu’après les championnats de France l’année suivante, Cléder, dépositaire d’une grande histoire sportive au rayonnement mondial, ait cessé, à la surprise générale, d’organiser le 100 km ; la petite commune entre vallées et vagues – parcours varié et exigeant de plages sableuses littorales et de chemin creux de bocages – a longtemps proposé la plus belle épreuve dans un circuit national très restreint, où l’ancestrale Millau continue de tenir le haut du pavé…
A noter que c’est une bretonne du 29, Gwenaëlle Guillou qui détient – à 50 ans…, le long ça a du bon pour durer… -, le titre de championne de France ; chez les hommes, c’est le toulousain Jérôme Bellanca – 43 ans -, pour la 4ème fois, après 2013, 15, et 17…

Texte et photos : Daniel Guyot

   Envoyer l'article en PDF   

LAISSER UNE RÉPONSE

S'il vous plaît entrer votre commentaire!
Veuillez entrez votre nom ici