Elle avait passé son tour l’an dernier après un abandon en 2017. Alexandra Clain s’aligne à nouveau sur la Diagonale des Fous avec la ferme intention de rééditer sa performance de 2016, première réunionnaise, et d’abaisser encore son temps de l’époque.
Une aventure commence toujours fortuitement, sans crier gare. Celle qui relie Alexandra Clain à sa passion pour le trail débute il y a plus d’une vingtaine d’années, juste après la naissance de sa fille, Coralie, aînée de Nicolas et Mickaël. « Comme beaucoup de femmes qui venaient d’accoucher, j’avais pris une dizaine de kilos. Je voulais retrouver ma silhouette de jeune mariée », rit-elle. La « Bretonne » de Saint-Denis, quartier d’où est également originaire son mari Mico, se met donc à la course à pied, accompagne sa moitié sur des épreuves où elle commence, elle aussi, à se faire un prénom. « J’ai débuté sur des courses sur route assez courtes, genre 10 kilomètres. Je me suis classée 5e féminine et première de ma catégorie. Ça m’a donné à penser que j’avais des aptitudes. »
Des aptitudes, Alexandra Clain en possède. Ses adversaires, au fil des courses longue distance où elle s’aligne, l’apprennent à leurs dépens. « J’ai vite senti que j’étais plus performante sur le long. Et ça correspondait plus à mes attentes. Les courtes distances ne donnent pas l’occasion de regarder autour de soi, de se sentir bien au milieu de la nature, d’apprécier l’environnement dans lequel on évolue. Egalement, quand le physique est prêt à vous lâcher, le mental joue un grand rôle. » Et surtout le couple est en osmose complète sur les sentiers. « J’avais 14 ans, Mico 19, quand on s’est connu. On a vécu tellement de choses ensemble. »
Un mécène, comme un miracle
Professionnellement aussi, le duo ne fait qu’un. Pour ceux qui fréquentent le marché de Sainte-Marie, le samedi matin, acheter une salade chez les époux Clain est le marchepied pour parler course à pied. Et le meilleur moyen d’entretenir l’amitié. Comme en cette journée 2016 où un client pas comme les autres leur a proposé de prendre en charge le budget de grandes courses à l’extérieur de l’île. « C’était comme un conte de fées. Monsieur Apavou, client depuis des années, a été incroyable. On a pu courir aux îles Canaries, qui restent un merveilleux souvenir, en Australie, en Suisse. J’ai pu prendre part à l’Ultra Trail World Tour grâce à ces déplacements. Grâce à mes performances (ndlr : notamment 6e scratch et 1re réunionnaise sur la Diagonale des Fous, 10e féminine mondiale). J’ai vécu des moments extraordinaires. »
Des moments extraordinaires, Alexandra s’apprête à en vivre, d’abord sur la prochaine Diagonale des Fous, en octobre, puis en 2020, à l’occasion d’un déménagement définitif en métropole. Définitif car le premier, de 2006 à 2010 en région Poitou-Charentes, était dicté par l’envie de changer d’air. « Ça n’était pas la meilleure région pour découvrir la montagne, s’amuse Alexandra. Mais on a beaucoup voyagé à travers la France grâce aux associations où nous étions licenciés, Mico et moi. J’adore par exemple le Trail Montan’Aspe, dans les Pyrénées. » Le retour à La Réunion, en 2010, répondait au désir des enfants de poursuivre leurs études dans l’île. « Mais désormais, ils sont tous trois en métropole et ont un métier. C’est à nous de les rejoindre. »
Retourner pour mieux partir
Question recasement, les Dionysiens ne se font pas de souci. « J’ai mon diplôme d’assistante maternelle agréée, Mico a son permis poids-lourd et a déjà été chauffeur routier lors de notre premier séjour. De plus, il est ébéniste de formation. » Reprendre l’exploitation il y a presque dix ans n’a pas été un souci. La laisser à nouveau ne devrait pas être un obstacle insurmontable. « Bien sûr, une exploitation, cela prend beaucoup de temps. Mais, comme tous ceux qui ont une passion, on trouve toujours le moment de s’entraîner. » Comme cette année, où Alexandra s’attaque à nouveau à la Diagonale des Fous et à son meilleur temps (33h11’ en 2015), après une infidélité l’année dernière où elle avait choisi de privilégier la famille en aidant ses beau-frère et frère, établis en métropole, à disputer leur première Diagonale.
Une Diagonale préparée depuis plusieurs mois. Une victoire fin 2017 sur le Grand Raid des Pyrénées a été le prélude à des lauriers quasi ininterrompus depuis : Royal Raid, Dodo Trail, Mini-Salazienne, Trail Tour des Cirques. Certes, son abandon, début juillet, sur l’Ultra Trail di Corsica (107 km) l’a rappelée à une certaine prudence sans entamer sa confiance. Avec, en plus, Mico en super forme – il a terminé 4e au scratch sur l’île de Beauté – Alexandra peut s’appuyer, plus que jamais, sur un soutien indéfectible qui dure depuis une bonne trentaine d’années…
Textes: Jean Baptiste Cadet
Photo: Pierre Marchal