En manque de compétitions, Daniel Guyot n’en est pas pour autant avachi dans son canapé. Loin de là. Toujours sur les sentiers pour ses entraînements, il nous propose aujourd’hui une lecture des premiers trailers sur La Réunion avec le récit de Bory Saint-Vincent. Embarquez sur la Marche des Cîmes avec le premier trailer de la Diagonale au début du 19ème siècle, en 1801.
Si les traileurs extérieurs se sont retrouvés empêchés de venir faire la Diagonale 2020, Bory de Saint Vincent n’eut pas ces difficultés en 1801. Pas de Covid à cette époque, mais une redoutable épidémie de variole qui avait commencé 15 ans auparavant… Bory respectera la « quarantaine » en s’étonnant que la vaccination, découverte par Jenner en 1796, n’ait pas été rendue obligatoire : « Si les habitants entendaient à cet égard leurs véritables intérêts, ils profiteraient de la découverte importante de la vaccine pour inoculer tous les noirs et les blancs qui ont échappé à la dernière épidémie, ou qui sont nés depuis ce temps »… Déjà les mêmes embrouilles médico-sociales…
Arrivé sur l’île le 12 août, il en repartira le 6 décembre après avoir ouvert la voie à la 1ère Marche des Cimes officielle de 1989… Le tout premier Road-Book est écrit dans « Voyage à l’île de La Réunion » faisant partie de « Voyage dans les quatre principales îles des mers d’Afrique » qu’il publiera 4 mois après son retour.
L’heure et le lieu de départ – Saint-Denis, 5 h – n’auront pas varié de 1801 à 1989 ; nous les conserverons en 2020.
Les commentaires de la toute première figure de proue de la Marche des Cimes n’ont rien à envier aux contemporains dans FB ; Bory de Saint Vincent évoque le départ :
« Nous partîmes de Saint Denis le 26 août à 5 heures du matin, par la route qui conduit à la partie au vent de l’île, mais nous la quittâmes bien vite au lieu appelé Butor pour monter vers le ravin qu’on nomme premier bras ; nous le traversâmes au soleil levant vers 6 heures un quart et par le plus beau temps possible. »
Plus tard, après la longue montée à La Roche Écrite :
« A l’endroit où nous étions arrivés, la Plaine des Chicots cesse par un rempart à pic et brisé de toutes parts. Aussitôt et à nos pieds, est un abîme dont l’œil ose à peine sonder la profondeur »…
Bien plus loin encore, de la Plaine des Cafres au volcan : « Le froid est très sensible sur la Plaine des Cafres. On m’avait prévenu qu’il était fort dangereux de se trouver en sueur sur ce plateau, parce qu’un vent subi et glacial s’élevant d’un instant à l’autre peut y donner la mort… Pour peu qu’on fasse des perquisitions dans les creux et dans les hasiers qui sont situés le long du chemin de la plaine, on peut se convaincre par les ossements que l’on rencontre que de malheureux noirs et des animaux y ont trouvé une fin cruelle. J’ai connu des personnes qui ont failli périr sur la Plaine des Cafres et que l’on a rappelées à la vie qu’avec bien de la peine… »
Cf. Chap. XVIII, Voyage à la Plaine des Sables par la Plaine des Cafres. P. 371
Même si nous avons déjà survécu à des Diagonales, Arnaud et moi sommes prévenus ! Retenons la qualification de ces aventureuses traces fondatrices : le voyage dans le temps et l’espace, le voyage intérieur et celui qui ouvre à toutes altérités (minérales, végétales, animales, humaines)…
Texte: Daniel Guyot
Photo: Pierre Marchal