Le tennisman réunionnais Quentin Robert, établi à Dijon, pointe au 66e rang français. Il a repris il y a deux ans le chemin tortueux du circuit ATP. Avec bonheur puisqu’il a remporté ses trois premiers tournois en un an. A bientôt 25 ans, il aimerait disputer les qualifications d’un tournoi du Grand Chelem, pourquoi pas Roland-Garros. Un rêve qui n’a rien d’une douce utopie.

Quentin, ici à La Réunion, on a pris l’habitude de vous voir plutôt en fin d’année, à l’occasion du tournoi du BOTC, pour lequel vous avez été invité les deux dernières éditions…

En effet, mais j’avais un petit créneau d’une semaine et j’en ai profité pour rester en famille, quartier Vauban à Saint-Denis où j’ai grandi.

Votre première victoire en tournoi date d’à peine d’un an, à Djakarta en Indonésie. Puis vous avez enchaîné à Tel-Aviv. Et tout récemment à l’open 86 de Poitiers. On peut en conclure que tout va bien pour vous ?

Certainement. Mais le tennis est un sport très exigeant. Une longue blessure et votre classement s’en ressent immédiatement. C’est extrêmement dur de percer.

A quelle place vous situez-vous désormais ?

Je suis 66e français et aux environs de la 450e place mondiale car la récente refonte du classement ATP va être abandonnée pour revenir à l’ancien barème en août.

Pourtant, votre progression n’a pas été linéaire…

Non. J’étais 15/2 en 2007. A 18 ans [Quentin aura 25 ans en août prochain], j’étais -15. J’avais toujours progressé jusqu’alors, plusieurs fois champion de La Réunion, quart de finaliste des 12 ans au championnat de France. Je suis allé une première fois sur le circuit ATP. Mais j’ai été blessé, j’ai perdu confiance et j’ai stagné pendant trois ou quatre ans. En 2016 j’ai pris une tôle au 1er tour d’un Future [tournoi international de 3e niveau, situé dans la hiérarchie juste en dessous des Grand Chelem, Masters 1000, 500 et 250, et des Challenger]. J’ai pris la décision de ne pas disputer de Future de toute la saison 2016-2017. Je n’ai repris le circuit international en septembre 2017 qu’à la condition de marquer et défendre mes points, donc de gagner des matches.

 « J’ai toujours rêvé de cette vie »

Qu’est-ce qui a changé pour que vous progressiez à nouveau ?

J’ai changé de club. J’avais débarqué dans l’inconnu à l’âge de 13 ans à Annecy. Je logeais dans une famille d’accueil et le week-end j’allais chez mes grands-parents non loin de Chambéry. C’était très dur, vraiment. Je n’avais pas beaucoup de liens sociaux car je prenais mes cours au CNED, par correspondance. Il y a deux ans, ‘ai pris une licence à Dijon. J’ai un entraîneur personnel, François Ousset. Tout va bien mieux désormais.

Comment est rythmée votre vie ?

On passe le plus clair de notre temps, quand on ne dispute par de tournoi, dans les avions ou les trains. J’ai toujours rêvé de cette vie, je ne peux pas m’en plaindre. C’est vrai, on est très seul. On doit gérer tout, tout seul. Les déplacements, les inscriptions, les soins… Le championnat par équipes me donne une respiration, un partage avec les autres. Et quand on voyage, on est amené à rencontrer des personnes qu’on n’aurait jamais rencontrées dans une autre vie.

Etes-vous aussi amené à côtoyer des personnes peu recommandables, du genre de celles qui truquent des matches ? [Une filière mafieuse basée en Belgique a été démantelée en début d’année et une demi-douzaine de joueurs français ont été entendus comme témoins ou témoins assistés]

Bien sûr. Il ne faut pas se cacher. Des gens vous abordent et, à la limite, je comprends qu’on puisse faire ça. Mais pour un joueur français, qui a beaucoup d’opportunités, en dehors des tournois Future, de gagner de l’argent, ne serait-ce qu’en jouant uniquement en métropole, je pense que c’est un très mauvais calcul. Maintenant, c’est vrai, souvent, l’argent que vous touchez est immédiatement dépensé. Chaque joueur doit adopter une discipline de vie très stricte.

Quel est votre prochain tournoi ?

A Tel-Aviv dans quelques jours. Un « 1500 dollars », comme ceux que j’ai remportés à Tel-Aviv justement et Djakarta l’an dernier. Mon but est de grappiller le plus de points possibles, améliorer mon classement pour pouvoir disputer des tournois Challenger.

Et, pourquoi pas, disputer les qualifs de Roland-Garros, ce qui doit être inscrit dans un coin de votre tête…

Tout à fait. Objectivement, je n’en suis pas loin. Les deux joueurs que j’ai battus à Poitiers, Martineau et Denolly, ont passé un tour de qualifications à Roland cette année. Le Franco-Mauricien Enzo Couacaud a été battu de justesse par Benchetrit pour l’accession au tableau final.

Pourtant, votre surface de prédilection est le dur…

Oui, mais j’ai grandi sur terre battue au BOTC avec Yann Drieux comme entraîneur. Et ensuite deux années au TCD avec Julien Dupuy. Et j’ai un style offensif, je ne suis pas un joueur de fond de court.

Cette année, à Roland-Garros, les joueurs offensifs sont à la fête. Federer, Tsitsipras, Wavrinka…

C’est vrai. En regardant, un peu, le duel entre Djokovic et Zverev en quart de finale, je me suis ennuyé. Se renvoyer mutuellement la balle en attendant la faute de l’adversaire, ce n’est pas vraiment mon style de jeu. Mais on ne peut que rester admiratif devant ces trois monstres sacrés que sont Djokovic, Nadal et Federer. Le tennis va perdre beaucoup quand ils se retireront.

Texte: Jean Baptiste CADET
Photos: Pierre MARCHAL

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