Parmi tous les îlets de nos cirques, en marge de ceux qui captent majoritairement les touristes (Cilaos, La Nouvelle, Hell-Bourg…) ma préférence va sans conteste à Grand îlet, pour son authenticité, ses habitants qui se lèvent très tôt, sa résistance paysanne, ses reliefs…
C’est aussi mon point de retour d’escapades pédestres depuis Saint-Denis en passant par le plateau de la « Roche Écrite ». Grand îlet, étape de traversée maronnes « lontan » en s’arrêtant chez feu Josianne Grondin où l’on refaisait le monde devant un café coulé, pain rustique et confiture tomate z’arbuste, ou encore, Riz Sofé ; étape de nombreux Grands Raids de la belle époque, avant d’attaquer « La Paroi » où le chevronné ultra-traileur hollandais, Guus Smith, perdit la vie sur la Diag’ 2002 ; départ de nombreuses courses: outre cette « Salazienne », le « Trail Tour des Cirques », le « Kilomètre Vertical », la « Mafate-Trail-Tour » ; et depuis quelques temps, « Station de Trail » encadrée par le traileur Élite, Elysée Boyer. S’il est un acteur vraiment de terrain, c’est bien lui : organiser une course et y participer en tant que coureur en terminant 6ème, c’est inédit…
26 mai 2022, 7 heures, le départ est donné dans la fraîcheur des hauts sous un ciel bien dégagé. Avec une entame plutôt roulante en dépit de reliefs prononcés, je me retrouve au coude à coude avec d’anciennes connaissances d’ultra, dont les toujours souriantes dans l’effort, Sophie Blard et Claire Baudis… Passé « Grand Sable », dans la dernière descente sur la passerelle « Fleurs jaunes », c’est mon jeune collègue prof de sport, Clément Pausé, qui me dépose en attaquant la montée Vidot dans un rythme endiablé… Bravo à lui pour sa progression – il va gagner près de 1h30 sur sa précédente « Salazienne » – mais j’arriverai encore cette fois-ci un peu avant lui, avec les 2 grosses difficultés qui nous attendent à ce stade de la course. D’abord, le sentier de « Trou Blanc », qui s’avère dans un état troublant : jalonné d’éboulis, gras… Puis, la longue et sévère remontée, – où j’improviserai un ravitaillement en eau fraîche dans la rivière -, nous hissant vers les cols mafatais… Cette année, le parcour empreinte peu de route pour descendre au « Bélier » ; de là, c’est un passage alambiqué par « Camp Pierrot » qui nous attend avant de rejoindre l’arrivée que je franchis en 5 heures tout rond, 1er M5.
L’accueil sur le plateau sportif est au Top, avec bière péi au ravito, fruits locaux, cadeau d’un cabas de chouchous et œufs produits à Grand îlet ; notre sympathique ambianceur, Jérôme Désiré, bien dans son élément, s’est métamorphosé en acteur de grande classe qui nous remet les récompenses comme aux Césars, tout en accueillant les coureurs dans les pauses cérémonielles. Les photographes Gil Victoire et Patrick Lauret s’en donnent à cœur joie. Des centaines de coureurs se retrouvent et refont le monde dans ce cirque hors du monde, cependant que l’église, bien au centre du village, se prépare à accueillir la messe d’angélus avec les travailleurs soigneusement endimanchés…
Élysée Boyer, authentique champion du pays, a de quoi être satisfait de sa journée, tant en sa qualité de coureur que celle d’organisateur ; les traileurs du jour ne le sont pas moins à leur niveau. La « Salazienne » est en effet un trail à la fois physique et technique, qui se mérite… Dommage qu’il faille reprendre la voiture laissée chez les Grondin après s’être échangés les dernières nouvelles au petit matin, car en regardant l’imposant massif de la « Roche Écrite », j’aurais bien envie de rentrer à pied sur Saint-Denis…
Texte et photos Daniel Guyot
