Antoine Guillon, vainqueur du Grand Raid 2015, a bouclé son 14e séjour dans une île qu’il apprécie et qui le lui rend bien. A 49 ans, le nouveau recordman du Tour de l’île pédestre (20h38’ le 23 juin) se sent plus costaud que jamais. Secrets d’un jouvanceau…

La pluie s’est invitée sur l’Entre-Deux, comme un peu partout dans l’île. « La nuit dernière, on a même été surpris par son intensité », confient Anne et Antoine Guillon, qui logent quelques jours chez Pascal Blanc avant de terminer leur séjour à La Réunion dans un hôtel de l’Ouest. Aujourd’hui, heureusement, c’est relâche. Légère séance de home trainer au programme pour celui qui a établi dimanche 23 juin le nouveau record du tour de l’île pédestre en solitaire (les 212 km en 20h38’). Et retour à la préparation de la TDS (Sur les Traces du Duc de Savoie, fin août).

Le presque quinquagénaire – l’homme affiche fièrement ses 49 ans – n’est pas rassasié. Loin de là. Depuis 2007, son histoire d’amour avec l’île de La Réunion s’écrit tout au long des 12 Grand Raid, d’un Run Trip de Pascal Blanc et son Tour de l’île de dimanche dernier. En octobre, à l’occasion de la Diagonale des Fous, il en sera à son quinzième passage sur le caillou. Si on ajout son premier livre – il en a « commis » quatre – consacré à La Réunion (« Soyons Fous », auto-édition), on pourrait le croire accro à l’île. Pourtant, c’est en Grèce que le couple lorgne et y passera ses vieux jours : « Je cherche à acheter là-bas. On a vraiment eu un coup de cœur pour la Grèce. Mon père y vit six mois dans l’année. »

75 Ultras et seulement deux abandons

Antoine Guillon vit, dort, pense Ultra Trail (courses de plus de 100 km). Il en a couru soixante-quinze ! Depuis quand ? L’étincelle est survenue il y a bien longtemps, lorsque le roi des longues distances, le Grec Yiánnis Koúros, également appelé le « Dieu courant » ou « Philippidès », avalait les routes de la planète. C’était dans les années quatre-vingt. « Une lubie d’enfant, je pense. C’est en 2004 que j’ai disputé mon premier Ultra. » Et, tenez-vous bien, il n’a rendu son dossard qu’en deux occasions ! « La première, c’était au Népal, se remémore-t-il. On était à 5 400 mètres d’altitude. Je souffrais du mal des montagnes. Je ne pouvais rien faire. La seconde, lors de l’UTMB 2006, je relevais de blessure, je me connaissais mal et j’étais arrivé sans être suffisamment préparé. »

Se connaître, se préparer. Au fil des ans, au long des sentiers, Antoine Guillon a appris à « s’apprendre », à apprivoiser son corps et ses tourments, à dompter ses déprimes et son spleen. « Les moments où on est moins bien, je les appréhende désormais de manière positive, explique-t-il. Il y a quelques mois, lors du 100 Miles of Istria, en Croatie, j’étais en difficulté après 115 km. Physiquement, ça n’allait pas fort. Je me suis accroché, je n’ai pas abandonné. Ces moments-là sont importants pour les courses à venir. L’Ultra, c’est l’école de l’humilité. On ne peut pas tricher, on est face à soi-même. »

« Cinq fois 2e, dont deux derrière Jornet, il n’y a pas de honte »

C’est pour toutes ces raisons que le Montpelliérain se sent, à 49 ans, « plus fort que jamais ». « Je progresse tous les jours. Par mon entraînement, ma préparation, mon alimentation, mon expérience. Cela peut paraître paradoxal mais j’en ai la preuve par le chrono. J’ai amélioré mon temps à Minorque, d’une année sur l’autre, de plus d’une demi-heure [ndlr : au « Chemin des Cavaliers » (Camí de Cavalls) 18h44 contre 19h20]. » Au point que l’Ultra Trail, qui est devenu au fil des temps, « un art de vivre », fait « pleinement partie de mon équilibre. »

Trailer, mais aussi organisateur ; Antoine Guillon et son épouse en sont à la 10e édition de la 6666 Occitane, qui s’est déroulée début juin dans le massif du Caroux. 1 200 participants sur les quatre formats proposés, 120 km et +7 300 D pour la principale. « C’est une course qui ressemble beaucoup au Grand Raid, précise Antoine Guillon. D’ailleurs, des Réunionnais se sont déjà distingués, comme Libelle, Mussard ou Ghislaine Ribotte. » L’épreuve occitane bénéficie du soutien du Département et 20 % de son budget est consacré à la sécurité, « un poste de plus en plus important dans les courses », constate Antoine, qui analyse, d’année en année, l’évolution du trail en France : « A mon avis, la discipline a atteint son pic de notoriété et de croissance. Et les mentalités des coureurs changent, surtout dans les courses de relatives courtes distances où on voit clairement pointer un manque d’autonomie, à tous les niveaux, physique autant que comportemental. Pour les Ultras, c’est différent, les concurrents connaissent leur corps et sont pleinement conscients de leurs possibilités. » Comme sur le Grand Raid qu’Antoine Guillon va disputer pour 12e fois avec, pour l’instant, cinq places de deuxième et une victoire. « Cinq fois deuxième, dont deux derrière Kilian Jornet, il n’y a pas de honte, termine-t-il. L’avoir gagné, ça a fait du bruit. Ce serait formidable de le gagner une deuxième fois. » C’est tout le mal qu’on lui souhaite…

Textes : Jean Baptiste Cadet
Photos : Pierre Marchal

   Envoyer l'article en PDF   

LAISSER UNE RÉPONSE

S'il vous plaît entrer votre commentaire!
Veuillez entrez votre nom ici