Dès qu’il atterrit sur notre île le samedi 13 avril au matin, Adrien Arrivets, le grand champion occitan, a d’emblée en tête de chercher à s’inscrire dans des activités sportives pour le week-end déjà bien entamé, le seul qu’il passera sur le caillou où il est en mission professionnelle pour seulement 5 jours, soit jusqu’au vendredi 18. Après une première intervention en Corse, il s’agit, ici, de sa 2ème hors hexagone, comme de son tout 1er voyage lointain… Et dès l’atterrissage du retour en Métropole, il sautera aussi prestement sur le championnat régional occitan de VTT ! Un enchaînement démentiel !

Pas même l’organisateur de la « Panonnaise » qui acceptera des inscriptions juste avant l’épreuve – ex directeur de course sur le Zembrocal-GRR, Nicolas Avriama – n’est au jus du pedigree d’Adrien, mais pour Mireille et moi qui connaissons quasiment tous les coureurs, nous avons déjà branché cet extraordinaire champion plein d’énergie, « support technique » – électrotechnicien programmeur – pour  EDF (et Edenis RTE qui gère les réseaux en Métropole). Il vient aider à mettre en service, et prendre la main localement, des équipements faits à Toulouse ; en contrepartie, nous l’accompagnerons pour prendre son pied sportivement ici… Perso, j’ai aussi mes quartiers en Hautes Montagnes Pyrénéennes d’Occitanie, mais suis également un ancien cycliste du pays et du temps de Bernard Hinault ; le courant passe donc au mieux entre nous… Au diable, les presque 2 générations qui nous séparent !

Cap sur Bras-Panon

A l’instar de sa célérité en VTT, Adrien n’est pas du genre à traîner en tous domaines, et dès l’après-midi de son atterrissage, le pro de l’électricité qui prend vite des contacts, est déjà au courant des possibilités, in extremis, de s’ébrouer sur l’île. Nous allons le retrouver tout sourire et les yeux pétillants à l’échauffement pour la piquante Panonnaise, dans une ambiance surchauffée au vélodrome de Bras-Panon, animée par l’illustre Laurent Nativel ; l’atmosphère est festive et devient électrique pour cette épreuve de pure résistance avec des ténors de folles vitesses (Luc Castel, Lionel Scherschel…) et où il faut de l’influx. Pour une première remise en jambes après sa nuit d’avion, avec ses 11 heures au compteur, Adrien trouve sa place dans ce radical changement de monde… Il fallait oser ! Un écho à mon propre 1er séjour en 1985 sur l’île où je débarquais ainsi à Bras-Panon (alors moins animée) à la vingtaine d’années, lotissement des Vacoas, avec une première sortie vespérale dans la nature – après 15 heures de voyage à l’époque dont 2 escales -, mais sans compétition.

Aucun risque d’engourdissement des abattis pour le jeune champion de 26 ans qui est pourvu d’impressionnants abattis, mais également d’un bon mental, le rendant adaptable à toutes les pratiques Outdoor en toute situation, et sensible à toutes les altérités… De la ressource, la tête sur les épaules, et les pieds bien sur terre, où qu’elle soit et quelle qu’elle soit ! En marge de son boulot, il garde un pied dans la ferme maternelle, tenue exclusivement par sa grand-mère et sa mère (respectivement 75 et 56 ans) qui pratiquent l’élevage. Encore un point commun avec mes origines. Enfant de Saint-Martin-Gimois, 75 habitants seulement (contre 400 mi-19ème), où la nature a gagné contre le peuplement : Adrien n’est pas né citadin. L’incarnant par une force singulière, il aime cette belle nature, les grands dehors qu’il sillonne en forgeant ses cuissots et sa cuirasse de champion ; il a le sens de l’effort, des fortes valeurs traditionnelles en deçà des artifices sociétaux ; un gars de terrain dans tous ses états, du tracteur au vélo, rien ne l’y arrête ; il en connaît tous les réseaux, des chemins creux de campagne, pistes de VTT, aux aériennes lignes électriques…

La Panonnaise réalisée, 1ère course réunionnaise d’Adrien

Quand on lui demande ce qu’il a pensé de notre bosselée Panonnaise, Adrien ne manque pas d’y trouver des liens avec ses propres passions de l’Outdoor :

« Belle course sur le dur ; j’aime bien les montées, et la rue du stade était bien sympa ; le tour du vélodrome, tant au départ qu’à l’arrivée, atypique ; on n’a pas de vélodrome en si bel état dans le Gers ! »

La course à pied explosive n’étant pas la spécialité d’Adrien, en ces circonstances de « téléportation », il prend néanmoins son pied, fraîchement libéré de la carlingue comme un animal vif libéré d’une cage, à se retrouver projeté au plein cœur de nos uniques ambiances « péi », enjouées comme nulle part ailleurs ; heureux d’être là, parmi nous, au sein d’une chaude cavalcade dans la tiédeur vespérale ; notre ami Eddy Paquiry tient le seul ravito intermédiaire bien salvateur ; peu importe le chrono pour Adrien, le plaisir d’un Outdoor tropical est là, nourri d’exotiques sensations ; il finira, sans forcer, entre Mireille et Moi ; j’en termine en 41 minutes (Scratch 31, 1er Master 6), Mireille en 52 minutes (Scratch 101, 3ème Master 3), et notre ami Adrien en 48 minutes (scratch 76, 16ème Senior), ce qui le satisfait pleinement, car il ne s’agit là que d’un petit échauffement pour notre sortie montagne déjà prévue aux aurores du lendemain, dimanche 14…

Du sommet des montagnes au battant des lames

Passant sur le chemin escarpé, via le Cap Noir, Adrien peut d’emblée embrasser tout le cirque de Mafate et son exceptionnel jardin de pitons et ravines ; plus belle scène théâtrale de la Diagonale ! Ça fait rêver. Comme à vélo dans le Gers, on voit ici du pays rien qu’à pied… Une même tranquillité, mais en un cadre si différent ! Il en prend plein la vue, notamment au fil de la crête sur le vide entre le maraîcher plateau de Dos d’âne d’un côté, et le sauvage cirque naturel de l’autre ; déjà très habile en VTT sur tous les sols, il aime jouer en mode rando/trail avec notre terrain spécifique, à s’enquérir des espèces végétales. Nous nous hissons vers la Roche Écrite, mais, passé le carrefour géodésique d’Affouches, à l’altitude 1500 m, la rapide convection des nuages sombres bouchant la vue, cependant que la météo est très pessimiste, nous optons pour descendre sur le « Trail de La Savane » en Off, l’officiel venant de se terminer… Un tout autre univers qui fait comprendre à Adrien la variété très contrastée de nos paysages…

Après pas mal de km et de D+ dans des univers très différents de celui du matin, sous les vols de pailles-en-queue du basaltique Cap La Houssaye, vient l’heure d’un débrief autour de mousses bien méritées, en admirant le coucher de soleil sur une grosse mer écumante, à Boucan… Attention, ce n’est qu’un petit écho aux récompenses dans le Gers où l’on sait vivre : les attributions de casseroles sur les podiums sont accompagnées de litres de bon vin du coin !

De retour à Gimont où habite le champion

Depuis la métropole, Adrien me donne des nouvelles de sa compétition d’arrivée, cependant que nous venons de courir ici le « Camélias Raid »…

« Une belle course que ce championnat régional ! J’ai fini 5ème, derrière mon ami de VTT du club, et avec qui nous avons fait la course ensemble ; nous sommes arrivés en même temps. »

Quand je lui demande s’il n’a pas été quelque peu pénalisé par une fatigue de son voyage :

« Je ne le pense pas, du moins je n’aurais quand même pas gagné ; j’ai bien dormi durant le vol retour. » Ça, c’est tout Adrien, il ne va pas se trouver d’excuse s’il ne décroche pas la victoire ; alors que d’après moi, il en avait bien une sérieuse sur ce coup là…

Aux croisements de l’Outdoor

On a peine à imaginer les histoires tellement variées des coureurs dans les pelotons de nos cavalcades ; l’improbable incursion éclair chez nous du grand champion Adrien Arrivets, en est un bel exemple. Un séjour positif à tous points vue car il est venu à la fois donner un sérieux coup de main pour la maintenance de notre réseau électrique qui s’est encore montré vulnérable avec le récent cyclone Bélal, et contribuer de la meilleure manière à notre vivre ensemble sportif et nos liens avec l’extérieur… La Réunion aura donc eu la visite à la fois sportive et professionnelle d’un bien sympathique garçon, – gage d’une espérance sociale au moment où des jeunes suivent d’autres chemins moins reluisants -, un authentique champion épris de l’Outdoor dans toutes ses dimensions et ses disciplines croisées ; modeste malgré des résultats dont il pourrait être fier, ouvert à tous, dont des anciens comme nous… On est loin de l’archétype imagé du « zoreil » qui déboule sur la Côte Ouest, soi-disant « the place to be », en mode resto/Dodo/plage ; ou des chargés de mission qui passent leur petit séjour pantouflard dans une somptueuse villa avec piscine, et équipés de célèbres voitures de sport, sur les caps aux douces brises par-delà la NRL… Avide de vite se retrouver en véritable immersion, d’appréhender le génie des lieux, de rencontrer les habitants de notre territoire, de les aider, Adrien n’aspire qu’à s’ancrer au mieux, sportivement socialement, dans les réalités locales. Et malgré son pedigree sportif, le jeune bonhomme reste étonnamment très humble.

Mireille m’a sympathiquement répété : « Adrien, on dirait que c’était toi au même âge »… Ça ficherait la nostalgie de la jeunesse… Il est vrai que le vélo fut mon tout 1er sport d’endurance au long cours avant l’Ultra-Trail, que je venais aussi de la campagne, de la paysannerie, etc. Les chemins de l’Outdoor, dans ses diverses pratiques, finissent souvent par se rejoindre, – même quand ils sembleraient à des années lumières de temps comme d’espaces – et c’est heureux d’en réduire les cloisons ; entre entraînements croisés et rencontres croisées, il n’y a bien souvent qu’un pas ou qu’un coup de pédale…

Evoquant son bilan sur l’île, Adrien semble enchanté : « Mon premier voyage aussi loin ; de très beaux paysages et très variés ; ainsi que de belles rencontres… J’aimerais beaucoup y revenir, si l’occasion se présentait, mais un peu plus longtemps quand même ! »

Impossible de ne pas penser à sa jeune compagne : « Tu cours avec Mireille ; je partage moi aussi ma passion du VTT avec ma copine Maëlys ; elle est originaire de l’île de Noirmoutier, pas loin de ta Bretagne natale, et elle fait également des compétitions de vélo. »

Ils sont vraiment adorables, les jeunes sportifs tourtereaux ; on leur suggère un voyage de noces à La Réunion !

Un sacré pedigree sportif :

Champion VTT du Gers (Occitanie) 2022 et 2023 ; encore sur le podium, cette année 2024, 3ème… S’il ne court que depuis 4 ans (2 200 km seulement), en revanche, à vélo, – juste depuis qu’il s’est mis à enregistrer ses distances -, il en arrive déjà à quasi l’équivalent du tour complet de la terre… (Pour moi, les proportions sont radicalement inversées : 5 tours de terre à pieds, et un seul à vélo.)

Arrivets arrive en tête de l’Ultra VTT de Cahors, 92km, devant le lotois Damien Roche (circuit « court », car il y a aussi un 185 kms), le samedi 13 mai 2023.

Il engrange d’autres victoires sur des courses de vélo route, ainsi qu’en cyclo-cross. Mais sa passion, pour « la petite reine » ne s’arrête pas là :

«  J’ai participé au National de Cyclo-cross cette année, sans prétention, pour ma première saison dans cette discipline, J’ai organisé une course de VTT avec un ami de club, où j’ai fini 3ème. Cette course fait partie d’une des 4 manches du  Challenge de la Lomagne… Nous l’avons relancée car il n’y avait plus que 2 courses avant. (Course hivernale avec beaucoup de boue en général…) »

Les objectifs d’Adrien pour la suite

« De belle courses sont prévues :

  • 19 mai, National VTT à La Mothe-Saint-Heray, vers Niort
  • 25 mai, Ultra VTT de Cahors de 94 km et 2000 m D+
  • 02 juin, ROC Laissagais Marathon VTT de 80kms 2450m D+
  • 30 juin, L’ariégeoise VTT 80 km, 2700 m D +, pour finir la saison avant les vacances estivales. »

Nous lui souhaitons le meilleur pour sa saison sportive 2024. Licencié en vélo de route au CSLS (Cyclo Sport de Lombez-Samatan), présidé par Jean Bertrand Loubet, et en VTT au club de Auch du RAID Bike présidé par William François : on ne doute pas qu’il soit de nouveau à l’honneur dans les médias nationaux, comme La Dépêche : https://www.ladepeche.fr/2023/05/14/adrien-arrivets-remporte-le-92-km-vtt-devant-le-lotois-damien-roche-11195113.php .

Texte photos Daniel Guyot

 

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Daniel Guyot
Daniel Guyot est le recordman absolu en termes de Diagonales achevées. En trente ans de grandes traversées depuis la Marche des Cimes, il est le trailer le plus assidu. A 60 ans, Daniel Guyot aura passé la moitié de son existence à courir après celle qui affole son palpitant depuis trois décennies. Une certaine Dame Diagonale. L'histoire de La Réunion étant intimement liée à celle de la Bretagne depuis les origines, il n'est finalement pas si étonnant que ça qu'un Breton le soit également à celles du Grand Raid.

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