Une expérimentation menée par le Centre Sécurité Requin en Nouvelle-Calédonie tend à démontrer l’effet répulsif des équipements de protection individuels sur les requins-bouledogue. Une protection toutefois limitée, qui doit être couplée avec d’autres dispositifs pour espérer, à terme, une reprise du surf dans des conditions plus sereines.
Les équipements de protection individuels sont-ils efficaces pour réduire le risque d’une attaque de requin ? C’est la question à laquelle ont tenté de répondre les membres du Centre Sécurité Requin (CSR), dont une équipe est partie réaliser une expérimentation en Nouvelle Calédonie en septembre dernier.
Les résultats préliminaires ont été présentés ce mardi lors d’une conférence de presse donnée en présence du sous-préfet, Olivier Tainturier. “Les résultats sont très prometteurs et ouvrent de belles perspectives”, commente, optimiste, le représentant de l’État. “On espère grâce à ça le retour du surf à La Réunion”.
Cette expérimentation avec des requins-bouledogue dans leur habitat naturel par un organisme indépendant “est une première mondiale”, se félicitent les membres du CSR. Avant ce test (mené en collaboration avec la Nouvelle-Calédonie et l’Australie), des études avaient déjà été réalisées par une équipe australienne sur le grand requin blanc.
“Les modèles présents sur le marché coûtent entre 500 et 600 euros et se répartissent en deux familles”, informe Christophe Mulquin, chargé de mission au CSR. Ceux qui se fixent à la planche, et ceux qui s’accrochent à la cheville. Le principe est le même : repousser l’animal à l’aide d’impulsions électriques.
Un réel effet de dissuasion
D’après les résultats de l’expérimentation menée à Nouméa, dans le port Nouville (où la présence de requins-bouledogue est régulière), tous ne se valent pas. La hiérarchie entre les modèles, déjà mise en avant par les études passées, se confirme. “Le shark Shield est le plus efficace”, constate Mickaël Hoarau, directeur des opérations – ce modèle ne serait pourtant pas le plus utilisé sur notre île, les surfeurs locaux lui préférant le “no-shark” ou le “Rpela”.
L’efficacité du “Shark Shield” (système à fixer sur la planche) atteint en effet les 44,6% de succès (on parle de succès lorsque l’animal ne touche ni la planche ni l’appât positionné pour l’expérimentation, pendant 15 minutes). Viennent ensuite le “Mini surf” (24,7%) et le “Rpela” (19,4%). Le “No shark” (bracelet à accrocher à la cheville) enregistre quant à lui seulement 10,7% de succès. À noter également que l’effet de répulsion jouerait seulement jusqu’à 0,5 mètre voire 1 mètre de distance de la source.
Bien que limité, l’effet de dissuasion est tout de même significatif. D’autant plus que l’étude a été menée dans un endroit où les requins, nombreux, ont été appâtés avec une sardine, mais aussi par des stimuli olfactifs et acoustiques.
Loin du risque zéro
Problème : l’étude a permis de mettre en évidence un phénomène d’”habituation”. En effet, sur les tests réalisés avec le Shark Field, le taux de succès est 67% sur les 8 premiers jours, mais tombe à 3% les huit jours suivants. Un important taux d’échec “lié à seulement trois ou quatre individus, qui semblent dominants et ont évincé les autres”, est-il noté. De gros spécimens qui ont finalement choisi de manger la sardine quitte à prendre un coup de jus.
Ainsi, le dispositif utilisé seul est loin de permettre la pratique sereine du surf. “Aucun des appareils testés ne permet de garantir un risque nul”, résume Mickaël Hoarau. Ils sont un moyen de protection supplémentaire.“Les actions de pêche conservent tout leur sens”, estime d’ailleurs le sous-préfet pour qui les EPI (équipements de protection individuels) sont la “dernière barrière”. De bonnes conditions météo restent quoi qu’il en soit primordiales, et l’entretien du matériel de protection doit être minutieux, car la rouille pourrait le rendre totalement inutile. C’est donc un travail de sensibilisation que les acteurs entendent mener en parallèle.
Bientôt une ZONEX à Saint-Leu
Pour aller plus loin, une expérimentation en pleine mer se tiendra dans les prochains mois, à Saint-Leu. Les protocoles sont encore en cours de rédaction. Il s’agira d’une ZONEX (zone expérimentale), avec des dispositifs nautiques, permettant la pratique du surf sans pour autant lever l’arrêté préfectoral d’interdiction, en vigueur depuis 2013.
“L’idée est de faire évoluer la Zonex avec des outils de réduction de moins en moins contraignants financièrement”, note Willy Cail, le directeur du centre. Le recours à un site internet permettant d’évaluer l’état du spot avec une flamme colorée est avancé.“À terme, l’idée c’est, en couplant les dispositifs et en respectant les conditions minimales de sécurité, de permettre la pratique du surf libre”, explique le sous-préfet, pour qui les garanties seront un jour suffisantes pour lever de l’arrêté d’interdiction.
Notant en outre que les EPI sont amenés à évoluer et à gagner en efficacité, le représentant de l’État espère même à terme une fabrication locale d’équipements de protection individuels. Histoire que La Réunion dispose d’“EPI péi”.
Photos : Pierre Marchal