Cela faisait bien longtemps, mais voici que Maître G reprend du service ! Petit souvenir d’Antoine Guillon sur l’emblématique course du Tor des géants de 330 km avec 24 000D+ dont lma prochaine édition aura lieu du 11 au 17 septembre 2022.

Cher Maître G,

Je viens de terminer mon 1er Tor des géants et c’était génial. On est parti sous la pluie, et dès le premier col la neige était épaisse, je n’avançais pas, mes pieds étaient gelés. Les descentes étaient horribles, je tombais sans cesse. Quand la nuit est arrivée, je ne pouvais plus rien avaler, je vomissais la moindre gorgée d’eau. Du coup j’avais des crampes aux mollets alors j’ai dû modifier ma foulée, ce qui m’a déclenché des tendinites et des ampoules. Oh j’ai morflé, mais les médecins et les podologues étaient adorables ; ils m’ont percé tout ça, j’ai un peu crié et je suis reparti en boitant avec plein de bandages. Il me restait 250 km.
La magie de l’ultra est apparue : comme je ne pouvais pas dormir dans les bases car ça ronfle de trop et qu’ailleurs il y a toujours des cloches à réveiller un mort, j’ai continué à me traîner dans la nuit en titubant, en m’égarant par manque de lucidité, jusqu’à trouver un refuge où j’ai enfin pu avaler une soupe. A partir de là, c’était encore plus génial. J’ai vécu les 3 plus beaux jours de ma vie.
J’ai changé mes bandages à chaque base de vie, je hurlais, mais pas grave, et le soleil est enfin apparu, très chaud. J’ai rapidement cuit, j’en perds encore des lambeaux de peau ! Avec cette chaleur humide, mes pieds ont crevassé, aïe, je ne pensais pas qu’il y avait pire que les ampoules percées, ben maintenant si. Et puis j’ai commencé à faire de la rétention d’eau, le visage tellement gonflé que j’avais l’œil droit fermé. Du coup c’était plus compliqué surtout dans la partie d’Oyace farcie de mouches à troupeau. Elles attaquaient mon seul œil valide tandis que des taons me piquaient partout où j’avais la peau à nu. J’ai encore plein de points rouges.
Que de souvenirs ! Et cette nuit où je suis tombé dans un ravin ! J’ai dû attendre une demi-heure qu’un autre coureur passe pour me sortir de là. On est reparti ensemble avec Tchin Yakatokelesake, un finisher de la Trans Alps Japan et puis on a sympathisé, vu que lui avait l’œil gauche fermé plus que d’habitude. On a bu des canons de bière dans les refuges en chantant, on s’est dédicacé nos bandages et les bénévoles riaient car ils croyaient qu’on leur faisait des clins d’œil !
La fin était un calvaire partagé, la descente sur Courmayeur un convoi de zombis en perdition, jusqu’à enfin fouler la dernière ligne droite, fourbus, sanglotant, heureux.
Je ne peux toujours pas marcher normalement après un mois, mais que c’était bon !!
Dites-moi Maître G, est-il normal de vouloir y retourner ?
Réponse de Maître G :
Cher ami, un Tor torrentiel nous torpille, un Tor torride nous torture. Mais un coup de tord-boyaux, de café bien torréfié et le Tor se torche comme une tornade, laissant place à la torpeur et a une envie de pizza de Torino. Je ne vous donne pas tort, le Tor est retors !

Texte Antoine Guillon
Photo DR

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