Il y a un an nous quittait un Grand Homme, Louis ULENTIN, dit LOULOU, monument de l’Ultra-Trail réunionnais. Il continue de m’accompagner sur « ces sentiers que nous adorons », expression répétée jusqu’à la fin, de cet adorable compagnon des grandes traversées pionnières de l’île… Je sais que les centaines de personnes qui l’ont salué via FB l’an passé, ne l’oublieront pas, et qu’il restera pour la grande famille des Ultra-Traileurs, une légende et un modèle…

Disparition d’un Athlète. Mon plus Grand Ami des sentiers réunionnais, Louis Ulentin, dit “Loulou”, s’en est allé. Un monument du trail, une légende pionnière. J’ai connu Loulou sur les premières Grandes Traversées et Passe-Montagnes ; si l’histoire de l’Ultra-Trail avait commencé bien plus tôt, ce ne serait sans doute pas moi qui détiendrais le record du nombre de Diagonales, mais lui. Notre complicité sur les sentiers est pétrie d’expériences, de sensations partagées, de plaisirs enjoués, de moments d’existence si intenses qu’ils ne sauraient s’écrire, pour une large part aussi rares qu’indicibles ; mais on se voyait aussi à la ville, Saint Denis, avant qu’il ne descende dans le sud construire une maison de ses mains… On discutait du calendrier annuel des courses, alors plus confidentielles. Rêver ensemble des futures escapades, et particulièrement pour Loulou, envisager de nouvelles victoires à la mesure de son profil de guerrier des montagnes… Muscles puissants, caractère doux, généreux tant en efforts physiques qu’en bienveillances désintéressées ; comme un lien de parenté directe avec les plus grands héros de l’Antiquité grecque…
Fidèle à sa terre natale, Madagascar, et pétri par elle, mais aussi amoureux de la Terre dans ce qu’elle a de plus authentique, de plus beau, de plus vivant, fort, inspirant : La Nature intense, sauvage, altière comme celle de La Réunion dont les montagnes furent notre terrain de jeu. J’ai partagé avec bonheur sa passion de l’Ultra-Trail en nature, son esprit de franche camaraderie notamment entre vieux briscards, dont Guy Mercier et « Tête chou »… Dans les années 90, Loulou était mon modèle, mon mentor ; grâce à lui, dans la fouge de ma jeunesse, je me projetais dans ce que je serais plus tard, à l’âge qu’il avait alors ; et il demeure à jamais une illustre figure du trail – que sa simplicité et sa modestie n’ont pas fait connaître à la mesure de ses exploits inédits sur l’île – le plaçant de mon point de vue au rang des plus grands sur la planète, de ceux qui ont vaillamment et de la meilleure manière altruiste, initié le trail pour les plus jeunes, comme Pablo Vigil a inspiré Kilian Jornet… Dans le récit de ma Diagonale d’octobre dernier, j’écrivais encore, ayant déjà fait le rapprochement (je copie/colle) : « Cet ultra demeure pour moi une épreuve bien à part tant par son profil que par l’histoire qui me lie à lui depuis trente ans. Dans l’esprit de l’ami Pablo Vigil, bien lucide sur mon âge, je suis aussi là désormais pour porter le flambeau d’une voie paisible – d’un autre choix possible que la performance jusqu’aux souffrances – sereine et saine, du trail au très long cours, sur plusieurs décennies, où l’envie et certaines capacités demeurent après 60 ans ; où trail rime avant tout avec plaisirs, puis avec bonne santé, ressourcement, épanouissement, déconditionnement d’impositions sociales qui avachissent ; à rebours des stress aux « compétences performatives »… C’est ainsi que lorsque j’étais plus jeune, Louis Ulentin était un modèle pour moi ; à 55 ans, l’ami Loulou était encore capable de finir le Grand Raid 23ème au scratch, 1er V2, évidemment ; l’année 2000, 2ème V3 au Grand Bénare, et à 82 ans aujourd’hui, bon pied bon œil, il me parle toujours comme un petit jeune de sa passion des sentiers ; je fais désormais partie des quelques V3 sur l’île qui peuvent être encore ses disciples. On dure dans le dur, mais sans aller vers quelques difficultés, toujours avec le plaisir d’être dans la montagne d’où l’on ramène de bons souvenirs qui portent à continuer l’aventure…( Lors d’une édition, le très expérimenté Loulou, galvanisé par ses prouesses, s’était laissé aller à se brûler les ailes : abandon juste 2 ou 3 km avant l’arrivée : hôpital au lieu du stade ; il a donné une interview au journal Le Quotidien, dans laquelle il tire les leçons avec une très grande humilité, faisant de son témoignage un bréviaire des meilleurs conseils qui ne m’ont jamais quitté.) » Avec 22 ans de plus que moi, Loulou était capable – alors qu’il avait la cinquantaine bien mûre – de franchir la ligne d’arrivée avant moi. Une pêche à la Marc Olmo ! De la trempe de ce champion, avec la même solidité pour servir de socle aux plus jeunes générations, assurément. Ces derniers temps encore, Loulou me faisait régulièrement des commentaires très amicaux à mes posts d’aventures sportives continuées, sur FB, sans la moindre nostalgie ni mélancolie qu’aurait pu lui inspirer la maladie : non, toujours dans ce partage bien vivant, et toujours avec la même camaraderie d’il y a trente ans, parlant des sentiers avec une âme d’enfant, dans le même vif émerveillement, la même complicité sur les escapades en montagne. La mention « ces sentiers que nous adorons…» revenait souvent. Il était toujours là à m’encourager, me dire son admiration, sachant qu’elle avait toujours été réciproque, comme lorsque que l’on s’amusait à se tirer fraternellement la bourre il y a 30 ans… Ses exceptionnelles forces physiques et mentales s’appuyaient sur de hautes valeurs morales, un humanisme qui pouvait aussi servir de modèle à tous – sportifs ou pas – pour habiter le monde par-delà l’expérience des sentes montagneuses. Il incarnait parfaitement le Surhomme nietzschéen (pour ceux qui ont bien lu le philosophe). Loulou demeure un de ces hommes rares, supérieurs, indéfectiblement dignes, droits, faisant face avec courage à tous les aléas – l’alter ego de mon ami breton Jean Jacquement –, de ceux qui élèvent les autres, leur ouvrent les plus beaux chemins…

Ah, Loulou, t’es encore arrivé avant moi sur l’autre rive ! Tu le sais, je suis ta trace avec le plus grand respect et les plus belles et affectueuses pensées des chemins parcourus ensemble.

Je ne saurais donner tout le pedigree impressionnant de l’ami Loulou ; avant que Michel Jourdan, du site RUNRAID, ne donne les résultats annuels complets, beaucoup de courses et de classements ne sont restés que sur des pages de journaux jaunis, et Loulou a connu beaucoup de victoires désormais oubliées… Cependant, un petit aperçu suffit à cerner son parcours, sa persévérance, en fin de V2, à se mêler aux élites de tête, avec des scratchs vraiment exceptionnels pour son âge :

  • 1er V2, 55ème à la Diagonale 1991 en 29h
  • 1er V2, 28ème à la Diagonale 1993 en 26h
  • 1er V2, 23ème à la Diagonale 1994 en 27h
  • 1er V3 à la Diagonale 1998 en 37h
  • 1er V3 à la Diagonale 1999 en 29h
  • 53ème à la Passe Montagne 1995 en 27h

Les résultats de l’avant dernière Passe-Montagne, 1996, sont désormais introuvables, mais je me souviens en avoir fait un bon bout avec lui, dans la tête de course, et nos propres têtes dans les nuages depuis la montée volcanique par Grand Galet, via la Plaine des Sables, avant de connaître un coup de mou à l’Auberge Marie Claire de Dos d’Âne…

Texte Daniel GUYOT
Photo Gil VICTOIRE

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Daniel Guyot
Daniel Guyot est le recordman absolu en termes de Diagonales achevées. En trente ans de grandes traversées depuis la Marche des Cimes, il est le trailer le plus assidu. A 60 ans, Daniel Guyot aura passé la moitié de son existence à courir après celle qui affole son palpitant depuis trois décennies. Une certaine Dame Diagonale. L'histoire de La Réunion étant intimement liée à celle de la Bretagne depuis les origines, il n'est finalement pas si étonnant que ça qu'un Breton le soit également à celles du Grand Raid.

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