De quoi, de qui, cette épreuve est-elle au fond, le nom ? On pourrait dire, du parcours artistique de Jean-Jacques Goldman dont le père comme d’autres immigrés polonais, sua bien plus qu’un traileur, dans cette mine de plomb argentifère – qui créa l’actuel village, « Les Mines » -, issue d’un très long filon reliant le pays Gallo au Celte, de l’ouest Châtelaudren à Saint-Brieuc, très dur à extraire. (Cf. la chanson « Juste quelques hommes » de J.J.G. : « Dans ces boues noires où même les diables hésitent »…) Les frères Dufourg, prétendant alimenter toute la France en tuyaux de plomb grâce à ce seul filon, se mirent à l’exploiter il y a tout juste un siècle, dans une grande modernité pour l’époque – mais un 3/8 épuisant pour les mineurs -, avant de faillir par un délire de business, tels parfois, certains trails mal tuyautés…

« The place to be », n’est pas forcément celle d’un trail où des élites médiatiques sont inscrites, soutenu par les stratégies d’une communication rôdée dans « l’évènementiel », ayant trouvé une place de choix dans le calendrier en poussant les autres – comme certains traileurs au départ -, se déroulant en un lieu touristique, performatif, accordant l’occasion d’une cotation ITRA ou d’augmenter son index UTMB, d’obtenir des Running Stones, etc. (Jusqu’à la situation ambivalente, clivante, dans « Le Coureur » de J.J. Goldman…) En vérité, ce ne sont pas forcément les plus hauts sommets des montagnes qui offrent les plus belles vues ; certains grands trails sont très en vue ; d’autres, a priori plus modestes, mériteraient d’être mis en lumière…

On connaissait les traileurs DNF (Did Not Finish) ou DNS (Did Not Start), mais ça concerne aussi largement les épreuves elles-mêmes ! Notre calendrier réunionnais – en dépit d’un très fort engouement local pour le trail – connaît cette année beaucoup d’annulations (pas moins de 7 sur les 16 courses programmées ce mois d’août…)

La Réunion et les Côtes d’Armor étant les deux départements programmant le plus de courses, avec de forts liens entre traileurs – il n’est qu’à constater l’effectif des costarmoricains venant sur la Diagonale des Fous… -, je m’attacherai à cet exemple emblématique d’épreuves aussi intéressantes que fiables dans les Côtes d’Armor, et dont certains adeptes ne sont pas non plus étrangers sur la Diagonale : le « Trail des Mines » ! Mine de rien, s’étant pourtant extrait dans un contexte difficile, voire plombé, il a de l’étoffe et fera sans nul doute du chemin… Voici la bonne recette d’une belle et pérenne réussite :

– Un socle solide

Par les temps qui courent, ce n’est pas si « roulant » de mettre un trail sur les rails en remplissant les wagonnets… Né d’une jeune association « Courir à Trémuson » – 50 fidèles adhérents -, le 1er « Trail des Mines » s’est déroulé d’emblée avec brio en 2019, proposant deux parcours : un 20.5 km pour près de 600 m D+, et un 10 ; carton plein du 1er coup : 500 coureurs – le maximum fixé – se sont donnés RV sur cette petite commune de 2200 habitants… Ca évoque le stade du Roudourou aux heures de gloire d’En avant de Guingamp tout à côté, par l’élan de passionnés de foot hors de leur semaine de travail ordinaire ! Il en faut aussi, de la détermination, pour faire briller et perdurer un trail dans le contexte actuel ; ayant subi deux années blanches à cause de la crise Covid, le « Trail des Mines » aborde sereinement, avec le même enthousiasme, une positivité à toute épreuve, le souci des détails améliorables (mais il faut chercher)…, sa 3ème édition qui aura lieu le 10 septembre.

– Une dimension humaine

Se déroulant toujours le 2ème week-end de septembre, le « Trail des Mines » accompagne la grande rentrée sociale dans l’hexagone. Son maître mot étant la Convivialité, il contribue à redonner de la chaleur humaine pour mieux faire passer ce moment morose de l’année… A l’ambiance enjouée sur la course, succède une sacrée fête au village ! Buvette et restauration sur place (saucisses/frites)… Ca évoque le fameux marathon de St André des Eaux… Il ne faut pas oublier que la naissance de la Diagonale – et sans se l’imaginer à l’époque sur ce caillou, le baptême du trail européen ! – vient de l’aventure enjouée, partagée, d’une poignée de passionnés (dont j’étais) à traverser l’île de La Réunion. Ce sont à l’évidence ces mêmes ressorts et dynamique qui animent le « Trail des Mines ». Le caritatif s’y est logiquement inscrit : une marche s’ajoutant aux 2 trails, de nature à renforcer une dimension familiale, sera entièrement solidaire d’une cause médicale. Un souvenir est remis à chaque participant.

– Des organisateurs traileurs

Si la Diag’ fut initiée par des marcheurs-trekkers très aguerris en terrain difficile (membres du PGHM), c’est aussi par l’action fédérée de traileurs avertis qu’est né le « Trail des Mines » : la clé d’une réussite d’un trail. Le Terrain ! Tel le brillant coureur, Léonce Honorine pour les meilleurs trails du Nord de La Réunion (et je serai sur Le « Camélias Raid » le jour du « Trail des Mines »…), un Thierry Chambry, vainqueur du GRR 2007, pour assurer Directeur de course sur la Diagonale…(je serai encore sur la 2023) -, outre tous les membres du bureau de « Courir à Trémuson », Guirec Le Chevanton, Anthony Lemaitre et Laurent Ollivier, tout particulièrement investis dans l’affaire, savent parfaitement porter les dossards. Guirec se montre aussi dynamique dans l’asso que sur ses courses dans la région, et ailleurs puisque qu’il a couru la Maxi-Race 23… Parmi les autres membres, se distinguent Martial Daniel pour ses chronos en course sur route, et l’élite Jean-Philippe Navière, coutumier des podiums sur les trails de la région (Glazig, Guerlédan, Ménestrail, Entre dunes et bouchots, etc.)

– Une authentique inscription dans un environnement naturel distrayant

La grande boucle est belle. Etang (barrage de Saint-Barthélemy), rivière (le Gouët), ruisseaux (Vivier, etc.), les eaux ne manquent pas, qui servent faune et flore à foison. Les vallées, redevenues sauvages, sont ordinairement fréquentées par les chevreuils, sangliers, renards… L’alternance de bonnes bosses et de vallées profondes au fil de terrains et paysages variés, offre souvent de beaux points de vues, telle la combe des Mines depuis le sentier en balcon de la Grande Roche. Les forêts abritant de centenaires chênes, châtaigniers, etc, sont préservées, qu’il est très agréable de traverser. Le parcours ne fait que de rares incursions sur de petites routes de campagne. On a donc un trail typé Nature, nécessitant un engagement physique avec d’incessantes relances, dans un super terrain de jeux qui n’est pas très technique… Il emprunte quelques single-tracks, mais il est possible de doubler le plus souvent. Sans trop de contraintes, il peut donc concerner tous les niveaux, les rythmes, les gestions diverses, à condition d’avoir un minimum d’entraînement.

– L’intégration de l’histoire singulière des lieux

Le trail traverse plusieurs communes. Après un départ à Trémuson, direction La Méaugon, puis Saint-Hervé, de l’autre côté du barrage de Saint-Barthélemy ; retour sur Trémuson via Les Mines pour monter sur Plérin, Le Sépulcre ; 2ème passage aux Mines (différent) avant le finish, stade du Tirel à Trémuson. Les activités des hommes du passé ont largement façonné les paysages revisités par le « Trail des Mines ». Les efforts des traileurs n’auront plus rien à voir avec ceux des mineurs, petits paysans, meuniers… Mais si les ruines du site industriel minier – créé ex-nihilo, tel un coron avec ses 104 petits chalets d’ouvriers qui leur sont revenus au prix d’un procès épique amenant au paisible hameau des Mines aujourd’hui… – s’effacent dans la végétation, en revanche, ce sont toujours les sentes tracées, creusées, bordées de murets en pierres sèches, par les petits paysans d’antan, qu’empruntent les coureurs… Nombreux sont les lavoirs témoins des vies de paysannes passées – linge nettoyé tout en gardant les vaches -, intégrant les abreuvoirs des bêtes, etc. Au bord du Gouët, les moulins (des XV-XVIème) Maréchal sous Berrien, et Pincemin – dernier à faire de la farine de sarrasin, jusqu’en 2019 – sous le Pont des Isles, ont encore fières allures. Le bar « La Combe », qui tirait donc son nom de la topographie des Mines, est fermé mais trône face au vieux pont des Boissières…  Les traileurs ont donné de nouveaux noms anecdotiques à des lieux comme la fameuse « MAL », Machine à Laver,  – un vrai lieu-dit « Laverie » (minière)  n’est pas très loin – parce qu’il y aurait eu, en pied de côte sévère, une carcasse de machine à laver, mais surtout du fait que la longue montée « rince » sérieusement en fin de parcours…

– Un élan solidaire à rebours du trail business

Au programme de la 3ème édition, a été ajoutée cette randonnée de 7 km, dont l’inscription  (5 euros), sera intégralement reversée à deux associations de lutte contre le cancer :

– « Grandir en guerrier » (concernant les enfants atteints par ce fléau…)

– « Daffodiles », trek solidaire, par 3 sportives de la commune d’à côté, Plerneuf, pour soutenir des associations telles que Jeune & Rose, Ruban Rose, investies dans la même cause.

Ne pas oublier que ce fut la solidarité des habitants des communes traversées par le trail, (fédérée par le député Edouard Quemper et le notaire, ancien déporté, Karl Madiot), qui sauva le hameau des Mines d’une surenchère d’achat en bloc par un financier sans âme de Rennes.

Les partenaires de l’évènement sportif « Trail des Mines » sont des structures de proximité. L’épreuve reine est à 12 euros. On est loin des droits d’inscriptions à La Réunion, le plus souvent sur du 1.50 euros le km (ce qui ferait une trentaine d’euros pour ce trail…), encore plus loin de l’option « Entreprise » de l’UTMB… Mais beaucoup plus proche de notre Diagonale associative, en débit d’une différence de poids… Précisément lors de la grande crise de 1929, étaient extraites aux Mines de Trémuson 26 000 tonnes de minerai tout-venant, 2450 tonnes, après triage de lavage, de minerai pur dont 1,150 kg d’argent qui représentait le vrai butin des Dufourg, – outre leur gestion frauduleuse à coup d’actionnariat sans fonds -,  ces objectifs cachés les ayant finalement perdus, et mis les ouvriers sur la paille ; au regard de cette édifiante histoire des lieux, il est bon d’avoir un « Trail des Mines » qui tient à rester transparent et désintéressé, de dimension raisonnable, ancré sur les réalités, soucieux des traileurs, basé sur des valeurs sportives, écologiques, humanistes, non matérielles…

– Une logistique pointue

Le balisage a été unanimement estimé parfait lors des 2 précédentes éditions. Les trémusonnais savent vivre, mais ce sont globalement des gens sérieux. L’encadrement, la sécurité, sont au meilleur niveau. Des signaleurs sont postés à chaque traversée de route. Une couverture médicale est assurée. Les coureurs disposent de 3 ravitaillements équilibrés : au 6ème km (liquides), au 12ème km (liquides et solides) au 17ème km (liquides), sans compter la buvette et la restauration au stade d’arrivée. A cet égard, le « Trail des Mines » est une valeur sûre. Toutes les dispositions ont été prévues pour qu’il n’y ait aucun impact sur l’environnement. Une centaine de bénévoles ; du public partout ; et toujours du beau temps…

J’ai eu le plaisir de faire la reco du « Trail des Mines », le dimanche 9 juillet, en compagnie des traileurs et organisateurs, Cédric Le Bars, Martial Daniel, Guirec Le Chevanton, Benoît Lemaitre, Vincent Le Moigne, Gérald Navière, Laurent Ollivier, et Cédric Peyec. Sans prétendre être un testeur patenté, avec mes quelques centaines de courses au compteur (dont un certain nombre en Bretagne), je peux comparer…, et affirmer en toute objectivité que le « Trail des Mines » est au TOP. Il porte haut les valeurs originelles du Trail. Aux portes de la capitale des Côtes d’Armor, Saint-Brieuc, nul doute qu’il devienne un Grand RV prisé des amateurs de trail à l’Etat Pur dans un bon esprit, et qu’il rayonne durablement bien plus loin !

Texte et photos Daniel Guyot

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Daniel Guyot
Daniel Guyot est le recordman absolu en termes de Diagonales achevées. En trente ans de grandes traversées depuis la Marche des Cimes, il est le trailer le plus assidu. A 60 ans, Daniel Guyot aura passé la moitié de son existence à courir après celle qui affole son palpitant depuis trois décennies. Une certaine Dame Diagonale. L'histoire de La Réunion étant intimement liée à celle de la Bretagne depuis les origines, il n'est finalement pas si étonnant que ça qu'un Breton le soit également à celles du Grand Raid.

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