Le départ d’une championne fêté au sommet. Ayant participé à une douzaine de courses à pied autour de sa ville d’adoption, Saint-Denis de La Réunion, où elle s’est retrouvée sur les podiums, par ailleurs, Odile Sabattié détient toujours le titre de championne de l’île de semi-marathon dans sa catégorie Master. (Et elle en fera un dernier, de part et d’autre de la piste de Gillot, avant de s’y envoler…) Parmi ses cartons de déménagement imminent, il y en a un qui contient ses trophées.

C’est dans le plaisant quartier de Bellepierre, au pied de La Roche Écrite, qu’Odile a vécu un grand pan d’existence. Perchée à la bien nommée Résidence « Les Alizés » qui offre une exceptionnelle vue panoramique mer et montagne, elle pouvait voir, tout proche, depuis son balcon, son lieu de travail, le CHU. Elle y a exercé en qualité de diététicienne de février 1979 à octobre 2020. Sa profession peut être rapportée à double titre aux pratiques de la course à pied, en parfaite cohérence avec ses exploits sportifs :

– D’abord parce que son D.U. d’éducation nutritionnelle l’a amené à accompagner nombre de personnes dans une reprise en main à la fois alimentaire et sportive, (la base du mieux-être et de l’évitement de co-morbidités dont on parle tant par temps de Covid : mieux manger et bouger…)

– Ensuite, parce qu’elle a exercé spécifiquement dans la cadre d’une mission dédiée à la lutte contre le diabète (véritable fléau insulaire), à « l’Unité Pieds ». En effet, le diabète lourd entraîne des atteintes graves aux pieds. La diététique doit s’accompagner d’un soin des pieds pour ces symptômes aigus du diabète, et éviter les amputations…

Odile n’a pas manqué de participer avec nous, à la course Diab’Athlétique organisée à Saint-Pierre, épreuve s’inscrivant dans la prévention pour éviter le diabète. Chevronnée et passionnée par sa pratique, elle a écrit un ouvrage dont la publication est en instance. La micro-nutrition sportive s’inscrit aussi dans ses compétences pointues.

Portée par des exercices spirituels dont un long chemin en chorale depuis 1995 – « La clé des champs » devenue sous l’impulsion d’un brillant ex-collègue agrégé de musique, Joël Haddad, « Clavis Cantus » orientée Renaissance -, outre ses voix de chœur, Odile Sabattié n’en a pas moins conservé ses voies du cœur, l’instinct des dépaysements et de la nature sauvage… Native de Bobo-Dioulasso (Burkina-Faso, ex Haute-Volta où son père officiait en tant que pharmacien militaire), et ayant connu ensuite Bangui et Madagascar, – grande île qu’elle a quittée à 8 ans pour vivre à Bordeaux et Arcachon avant de s’installer durablement à sa majorité sur l’île de La Réunion -, la citadine Odile garde des liens avec les contrées africaines de brousses et savanes…

Les balades au cœur même de notre île l’inspirent ; ses semaines de randos depuis Cilaos ou la Plaine des Cafres ont été bien remplies ; et l’ultra-trail ne lui est pas étranger. Odile nous acheminait avec entrain aux départs des Diagonales et ne manquait jamais la fête de La Redoute, parfois après avoir fait l’option rando Ufolep, Possession-Arrivée, où elle accompagnait les vaillants finishers du dimanche matin. Elle nous a bien souvent facilité la logistique de nos aventures sportives plus ou moins maronnes…

Curieusement, ses multiples montées antérieures à La Roche Écrite ne lui avaient jamais offert les meilleures fenêtres météo pour apprécier au mieux tous les sommets dégagés (Volcan, Piton des Neiges, Grand Bénare). Cette toute dernière ascension lui a fait un beau cadeau de départ en lui permettant d’embrasser toute l’île…

Ce n’est pas Odile qui nous avait conseillé cette boisson d’effort du jour, mais nous avons pu sabrer le champagne au sommet et trinquer avec nos montagnes qui fédèrent amitiés et meilleures énergies… Ainsi avons-nous profité de la journée entière, entre pauses café chaud et gâteaux, pour revisiter tous les coins familiers de l’altier plateau, allant du fameux KV de Grand-Ilet à la Mare aux Cerfs avec vues sur Mafate… Accompagnés par les oiseaux dont le fameux Tuit-Tuit, et descendant successivement les étages : basaltes et ses éricoïdes (branles, ambavilles), tourbes et sa tamarineraie (calumets et tamarins), pierrier humifère et sa forêt de bois de couleurs (fanjan, bois maigre, tan rouge, mahot…), nous ne sommes rentrés qu’au coucher de soleil accordant à ces paysages des danses balinaises sous son feu d’artifices final tiré depuis la côte ouest…

Odile aura écrit une belle page sur cette roche kaléidoscopique perdue dans l’océan Indien ; la côte atlantique lui offre désormais un grand parchemin qu’elle écrira par chemins des Landes, du pays Basque, des douces dunes aux piquantes Pyrénées, ponctuées d’autres beaux sommets à atteindre… Lors de son décollage pour d’autres horizons dans quelques jours, elle pourra avoir en ligne de mire la vaste planèze de la Roche Écrite, tangentée par la piste de l’aéroport Roland Garros. Ce n’est qu’un au revoir. Nous ne doutons pas qu’elle remette les pieds sur l’île où des membres de sa famille ont trouvé le repos éternel, – à Hell-Bourg, Sainte-Marie, et Saint-Pierre -, et qu’elle emprunte ce fameux serpent de mer, dont le monumental pont est l’œuvre de son cousin germain, Guillaume, ingénieur de haut niveau, et qui m’a aussi acheminé au départ du GRR, en étant présent à mon arrivée…

Bravo, Odile, pour ta propre longue œuvre humaniste sur l’île de La Réunion ; merci pour tout ; nous te souhaitons le meilleur pour la suite en métropole !

Texte et photos Daniel Guyot

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Daniel Guyot
Daniel Guyot est le recordman absolu en termes de Diagonales achevées. En trente ans de grandes traversées depuis la Marche des Cimes, il est le trailer le plus assidu. A 60 ans, Daniel Guyot aura passé la moitié de son existence à courir après celle qui affole son palpitant depuis trois décennies. Une certaine Dame Diagonale. L'histoire de La Réunion étant intimement liée à celle de la Bretagne depuis les origines, il n'est finalement pas si étonnant que ça qu'un Breton le soit également à celles du Grand Raid.

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