Le Trail de Villèle – s’avère un foot-trip de fin d’année qui donne vraiment des ailes : celles de la Liberté d’être rassemblés sans distinction, et de courir ensemble dans la concorde, à rebours de toutes crispations sociales… Les nombreuses courses qui fêtaient la Liberté de Sainte-Marie à Saint-Denis ayant été abolies cette année, sans pour autant perdre le Nord, Jean-Louis Prianon s’est affranchi des contraintes afin de nous libérer l’Ouest (à Saint-Paul, puis à Saint-Leu)…
Mais même les plus aériens des gros oiseaux au départ, ne devront pas compter y agiter leurs pennes sans peine. Au fil des 24 km pour 900 m D+, il faudra faire avec la lourdeur du temps, la technicité du terrain, les nécessaires relances dans l’alternance de côtes et descentes… C’est au sympathique et fougueux Benjamin Allouche, jeune coureur de talent, – portant aussi bien deux « L » à son nom comme des ailes à ses pieds -, que revient une victoire méritée. Isabelle Lamy, – sans elle, ses poursuivantes auraient peut-être été moins aériennes… – dispose, elle, de deux « L » à son prénom et d’une 3ème en tête de son nom pour l’orienter tout droit sur le plus haut perchoir… Ces deux-là semblaient donc tout prédestinés à survoler l’épreuve !
Le périple constitue une belle façon de revisiter plus de 2 siècles d’histoire réunionnaise, à tire-d’aile, (Joseph de Villèle hantera les Mascareignes de 1791 à 1807) ; un bon marronnage salutaire pour le corps, mais également pour les forces de l’esprit, en étant amenés à réfléchir sur les chemins pris par l’humanité entre les esclavagismes passés et les actuels, leurs changements de nature, les contradictions qui demeurent… Parmi ces dernières, observons que J. de Villèle, un personnage de l’histoire de France, – rien moins que président du conseil de 1822 à 1828 sous Charles X et Louis XVIII (où il est fait Comte…) -, s’avéra un dur ultra-royaliste, anti-révolutionnaire, défenseur de l’ancien régime, opposant farouche à l’abolition de l’esclavage. Et notre fameux spot d’arrivée, qui donne le nom à la course, fut le domaine où il s’enrichit dans la culture du café grâce à l’esclavagisme, devenu le gendre de la tristement célèbre Madame Desbassyns en 1799…
Mireille et moi avions fait un podium catégoriel l’an passé ; cette année, nous prenons tous deux la quatrième place, la plus belle, n’est-ce pas… Celle de Jean-Louis aux jeux Olympiques… (Rappelons le temps de 27 min 34 s au 10 km qu’il réalisa avant d’être l’organisateur de ce « Trail de Villèle » en lien avec l’Athlétic Club de Saint-Paul…) Faut dire que nous avions encore un autre sacré marronnage, le « Mafate Trail Tour », dans les ailes, et qu’il n’était pas opportun de faire trop de zèle sur cette nouvelle relance en trail… Pas question d’y perdre des plumes, à vile-aile, mais d’y prendre plaisir dans une remise en route raisonnable. Et puis, en dépit de prononciations qui pourraient y faire croire, « Guyot » n’a pas de « L » à son nom, lui…
De même que J. de Villèle prend « 3 L », soyons déjà assurés, validant le « jamais 2 sans 3 » que le Trail de Villèle prendra son 3ème envol l’an prochain, 173ème anniversaire d’abolition de l’esclavage, avant de s’inscrire durablement dans le calendrier réunionnais, en prémices de la Fête du 20 décembre… « Nou tienbo lo kèr ansanm san largé ! », pour continuer de « Courir en Liberté », belle devise du TDV par les temps qui courent…
Texte Daniel Guyot
Photo Gil Victoire
