Si la toute 1ère Diagonale des Fous, nommé « Marche des Cimes », y faisait explicitement référence, dans sa dernière version stabilisée, la Diag’ ne flirte plus avec les sommets. Ce fut en 2014 – à cause d’un éboulement dans le Taïbit – que la Diagonale, la plus longue de son histoire (175 km pour 1100 D+), se rapprochera pour la dernière fois du Piton des Neiges ; l’année d’avant, elle avait déjà abandonné le Piton de la Fournaise, sur refus du maire de Saint Philippe de poursuivre les départs depuis le Cap Méchant. Mais les authentiques traileurs, au rang desquels figurent nombre de pyrénéens, n’abandonnent pas les sommets, bien au contraire…
26 juillet, magnifique journée en Hautes Pyrénées aux sublimes sommets dont les cimes illuminées se détachent comme jamais dans le pur azur. Un temps idéal pour nous inviter à escalader l’un deux, mais un peu chaud pour Guillaume Beauxis – 1er au GRP 160 km de 2016, 3ème à la Diagonale de 2017… – qui vient de se lancer sur un 100 km ralliant les 3 plus imposants 3000 du coin, le Balaïtous, le Vignemale et le Mont Perdu, 7600 m de D+ au fil de terrains parfois exposés, aériens, et souvent très techniques, voire carrément « casse-gueules » sur des parties d’itinéraires très confidentielles…
C’est d’un belvédère central de choix et bien plus accessible, le Pic du Grand Piméné (2801 m), que nous pouvons embrasser tout ce périple titanesque que Guillaume est en train de réaliser. Cet emblématique sommet montre au passage qu’une grandeur modeste peut ouvrir à un univers grandiose… Montés depuis Gavarnie via le refuge des Espuguettes, c’est l’occasion pour nous de jouer sans trop de risques avec la grande crête crénelée qui relie la Hourquette de Alans (dernier col pour Guillaume), selon le vieux principe : là où le mouton passe, l’homme passe… Nous pensons être descendus peu avant le héros du jour et le voir débouler dans les deux ou trois derniers kilomètres avant l’arrivée. Mais, j’apprendrai par un reporter de La Nouvelle République, que la chaleur écrasante aura dû lui faire pondérer l’allure au plus fort de l’ardeur, info que je relaye au barnum de Gavarnie où l’attendent fébrilement – mais confiants – les sympathiques champions pyrénéens, vers 19 heures. Pas de blabla : Beauxis le boxeur des blocs va boucler sa balade… Le b.a.-ba du vrai traileur : toujours aller au bout sans jamais se mettre à bout, gérer avec ce qui advient en privilégiant le plaisir par-delà les objectifs de temps… Il faudra juste encore un peu de patience, et pour Guillaume, de cette détermination enjouée qu’on éprouve en terminant un ultra ; après avoir survolé tous ces cirques, un étrange bonheur de piste aux étoiles, cette impression de voler sur les cailloux dans la plus grande assurance… Un isard. Parti à 4 heures du mat du Val d’Azun, il arrivera finalement au bout de cette rugueuse chevauchée à 21h32 dans la douce vallée de Gavarnie. Un tel parcours qui exige en réalité des qualités d’alpinisme, n’est forcément pas à la portée de traileurs même confirmés, mais le réaliser en 17h30 relève d’un véritable exploit…
Belle manière de continuer à faire vivre le plus intensément ses rêves d’enfance dans les grands espaces naturels, par temps de restriction des libertés en des conditionnements confinés aux étables. Il nous est aussi rassurant de constater qu’un jeune traileur, né en 1989, année où je faisais la Diag’ pionnière, réaffirme un lien si fort à la montagne la plus rude, et ait ainsi encore le goût de « l’âpre divinité de la roche sauvage ». Traileur galvanisé par la haute montagne minérale, Beauxis rime avec Bauxite : l’alumine qui fixe l’élan vital et colore le monde, la silice qui capte l’énergie solaire, l’oxyde de fer qui vivifie l’hémoglobine, le titane qui rend les jambes indestructibles, et le vanadium qui relie aux météorites et aux étoiles…
Pour clôturer cette journée dynamisante, nous trinquons à nos sommets depuis notre camp de base à Gèdre, avant de repartir vers de nouveaux, avec les aventures qu’ils appellent, dès le lendemain matin… La photo de Guillaume sur le Mont Perdu montre en arrière-plan ce fameux balcon de Pineta à la beauté sauvage, ses lacs glacés, sa brèche de Turquerouye, un univers qui m’est comme un carnet de voyage en cours de réalisation. Bravo à Guillaume qui dit s’exprimer au mieux par ses aventures de montagnard – ce que je partage parfaitement -, d’y avoir écrit et dessiné une belle page très inspirante…
Texte et photos Daniel Guyot
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