Le grand traileur Jean-Pierre Hoareau, alias « Tête Chou » est décédé vendredi à l’âge de 65 ans. Toute la rédaction de Gadiamb adresse ses sincères condoléances à toute sa famille et ses amis, nombreux dans le monde du trail.
Après une première Diagonale en 1991, J.P. Hoareau en aura terminé 21 avec brio, – dont une 5ème place en 1994, parmi ses 3 Top 10 ! – ; la toute dernière en 2022 où il se classe encore 3ème Master 5. Il aura également bouclé 5 Passe-Montagnes – dont une 4ème place en 1995 parmi ses 4 Top 6 ! Il talonnait alors les Maffre, Murat, Libelle Y., finissant devant de grands noms tels Myrtal, Mussard P., ainsi qu’un futur gagnant en Diagonale, et qu’il admirait (le dernier réunionnais à en être victorieux) : Pascal Parny ! Au classement des « multifinishers » de la Diagonale, J.P. Hoareau est encore positionné 4ème, en dépit de ces 2 dernières années d’empêchement pour lui. Mais par l’intensité qu’il a mise dans ses premières traversées, où il jouait carrément la gagne du GRR aux côtés des plus grands, c’est lui qui sort du lot, car personne n’aurait pu ainsi autant durer en s’étant lancé sur un tel rythme. A 65 ans, entré dans la catégorie des Masters 6, la maladie qu’il n’a dignement pas cachée, stoppera perfidement son remarquable parcours. Le solide gars du grand sud, – de Saint-Joseph, comme l’illustre Jean-Louis Prianon dont il est le cousin germain – armé de son légendaire mental, ira avec le même courage au bout de son dernier chemin, le 14 février 2025. Nous en sommes très peinés, mais nous garderons tant de grands souvenirs qui marqueront à jamais le trail péi…
Un authentique champion de l’ultra-trail réunionnais
Licencié au COSPI, J.P. Hoareau faisait partie des rares traileurs que je retrouvais en forme, le week-end d’après la Diagonale, sur la « course de l’ail » ; et en assurant tous deux le podium catégoriel ! Pas de rivalité entre nous ; j’ai été toujours plus pondéré sur les traversées, et n’aurais jamais essayé de l’y suivre ; en revanche, sur certains trails courts sans descente technique où il excellait, mais surtout dans les épreuves sur route, c’est moi qui étais alors devant. C’était un plaisir de le retrouver en course sur ses terres : Verticale des Remparts, Foulées Nocturnes de Saint-Jo, etc. Mais en divers autres endroits de l’île, nous montions souvent ensemble sur les podiums catégoriels, avec la même bonne humeur de retrouvailles. Le qualificatif « Chou » de son surnom, pouvait en réalité renvoyer implicitement à plusieurs acceptions. Pour certains, « Tête Chou » faisait référence à ses cultures agraires ; pour ses clubs, famille et proches, c’était une métaphore amusée de son opiniâtreté « têtue » qu’il assumait ; mais pour moi, « chou » ne qualifiait que le côté adorable et enjoué du personnage… Un traileur « Chou » dans la « Tête » de course… Une anecdote témoignant de son état d’esprit que je partageais : au piquant 10 km Saint-Jo 2019 où il y avait foule, nous sommes appelés, lui 3ème en 44 min, moi 2ème en 41 min derrière un hurluberlu dit 1er en 40 min ; nous nous regardons en rigolant, laissant faire le protocole en faveur de l’usurpateur qui sera discrètement disqualifié bien plus tard. D’autres que nous, auraient vu l’affaire autrement… Au départ des dernières Diagonales qu’il aura courues, 2021 et 2022, nous nous retrouvions au front de notre vague, avec la même allégresse dans de mutuels encouragements, puis en chasubles jaunes à la fête finale de La Redoute…
Un fort ancrage à la terre
Jean-Pierre Hoareau n’aura pas attendu la mode du minimalisme pour user du style « pattes à terre » ; la couenne des abattis particulièrement bien renforcée par le travail de la terre, on vit en effet très souvent « Tête Chou » courir pieds nus, foulant tous les sols – même ceux des courses les plus techniques comme au trail du Curcuma – avec une habile légèreté, tels les Tarahumaras décrits dans « Born to Run » de McDougall. Nos origines paysannes communes – comme lui, j’ai aidé à la ferme familiale tôt, et ma 1ère fiche de paie est celle de « maraîcher » à 14 ans – nous ont permis une meilleure compréhension mutuelle. « Tête Chou » est né dans ce monde du dur travail de la terre, et ne l’a plus jamais quitté. Ce matriciel corps à corps avec la nature, l’a endurci physiquement et mentalement. Et pourtant, l’élevage et l’exploitation agricole, exigent de très longues et épuisantes journées de labeur, qui ne facilitent pas une disponibilité pour l’entraînement et la récupération en trail… Récemment, les autorités l’avaient sérieusement inquiété sur des histoires d’épandages, de normes d’exploitation et d’élevage (sévères arrêtés publiés par le Préfet de La Réunion en 21 et 22) ; ça ne l’aura pas du tout aidé à vivre ses dernières années… Il entendait continuer de travailler et fouler la terre dans la tradition des ancêtres, sans entrave à tous points de vue, seulement attaché par « Les Lianes » qui furent son lieu d’existence dans les hauts de Saint-Jo, et où il repose désormais.
Le téméraire « Tête Chou », authentique homme fort des sentiers, aura particulièrement marqué l’ultra-trail des années 90 par la réitération de performances exceptionnelles tant sur la Diag’ que sur la Passe Montagnes organisée en mai de 1993 à 1997. Jean-Pierre Hoareau sera resté jusqu’au bout de son Grand Raid d’existence, un passionné de la course à pied, où il se sera distingué durant 35 ans ; attaché à notre rituelle Diagonale, il allait y faire bénévole les années 23 et 24 d’empêchement par la maladie, en arborant ce badge « Légende » qui lui allait si bien… Ses enfants, sa famille, tous ses proches, peuvent être très fiers de lui ; ils ont tout notre soutien. Le monde du trail est en deuil, qui n’oubliera jamais l’illustre « Tête Chou »…
Texte et photos Daniel Guyot