Un front glacial hante l’île en ce premier novembre, jour si redouté dans l’imaginaire réunionnais. Alors, dans les austères hauts, où hurle le vent résiduel de cette dépression qui sévit depuis notre propre traversée grande, où une épaisse brume rend tout fantomatique et pénètre jusqu’aux os, on se réchauffe comme on peut. Mireille ne fait pas dans la dentelle en s’imbibant de rhum cacahuètes (tant pis pour la révélation de notre sponsor en boisson sportive), pendant que je me les dégèle devant un feu de fortune dont j’attise les braises de mes derniers souffles ; le décor est planté pour l’aventure de Christophe Le Saux qui, lui, n’a pas le choix pour se réchauffer : le « Jaguar », loin des cages confinées, a fait le grand Saut dans la réalisation du 1er défi de ses 7 Merveilles prévues… Traverser La Réunion par ses sommets, 12 000 m D+ sur 170 km. Il a porté au TOP ce que j’avais appelé ma « Diag’ aux sommets » (Retour de mon récent 270 km Nord/Sud/Nord).
Si Pascal Blanc avait mené un sacré « Run-Trip », pour moi qui suis un fada de sommets, la traversée de Christophe est vraiment génialissime, une authentique Merveille réalisée par un authentique traileur Hors Norme qui émerveille les amateurs comme nous et les inspire au plus haut point… On partage les mêmes points de vue sur les parcours en montagnes d’exceptions, les organisations les plus sympas, ce que fédère par exemple l’Ultra-Tour du Beaufortain.
Dans notre discussion, il souscrit d’ailleurs, les yeux pétillants, à mon idée d’une traversée faite des meilleurs tronçons des Diag’ passées. On fera la descente progressive et l’atterrissage avec lui. Toujours vaillant, ouvert aux altérités et d’humeur enjouée, l’endurant fauve continue de se faufiler avec aisance dans les bois, après une nuit de chasse aux meilleures émotions en deçà et au-delà des difficultés. Outre un goût prononcé pour les paysages, un attachement aux rêves d’aventures propres à l’enfance, le désir d’associer les plaisirs à la course en montagne, une adaptation innée à la nature sauvage, un besoin de liberté et d’autonomie dans le trail, l’intérêt porté au génie des lieux traversés comprenant l’existence et la culture de ses habitants, on a un évident point commun de taille, c’est justement la taille modeste (1,63 m) ; idem pour le poids (57kg) ; mais pour le reste, je ne fais pas le poids ! Le Tor des géants, la Diag’, le Marathon des Sables, et l’UTMB sont ses courses fétiches ; mais il a également participé aux plus grands trails de la planète, entre autres : the Track Outback Race (Australie), le Guyane’Trail, la Guada Run (Guadeloupe), la Cordillera Huayhuash Trail (Pérou)… Il me fait un peu penser à nos amis locaux, les frères Eclapier, qui ont exporté l’art du trail réunionnais du Pérou au Népal…
Sans chercher absolument la gagne, Christophe se retrouve toujours, grâce à son exceptionnelle endurance – pondérée par des descentes softs suite à un accident de montagne, en 2011, ressemblant à celui que j’ai connu en 1987 – aux avants postes des courses officielles : 4 fois sur le podium du Tor des Géants ; 3 fois vainqueur du Trophée des nations ; 4 fois dans les 10 premiers du Marathon des Sables ; vainqueur du Marathon des Sables par équipe ; 5ème de la Diagonale des fous ; 5ème de la TransMartinique ; 5ème de la CCC ; 5ème de la TDS ; 4ème en Maxi race ; 4ème de l’ Endurance trail des templiers ; 2ème de l’ Everest sky race ; vainqueur de l’Anapurna Mandala Trail ; vainqueur de la Saintélyon en mixte ; 3 fois vainqueur de la Guadarun … Mais, s’agissant de trips persos, telle cette traversée de l’île avec des AR aux sommets, dont l’exigeant et technique Grand Bénare…, c’est carrément du Hors Norme…
Un grand plaisir que de faire un bout de chemin avec lui, et on s’étonne qu’en traversant une île pétrie de traileurs, Christophe ait été si peu accompagné, évoluant seul sur les plus longs tronçons… C’était un vrai privilège que de vivre avec lui cette arrivée à Saint Denis, par le sentier le plus emprunté de l’île, curieusement déserté ce dimanche après-midi, et alors qu’on s’attendait à la venue de quelques passionnés de trail et médias, sur La Providence…
Nous avons néanmoins passé un moment très convivial sous les palmiers royaux. Un Grand Bravo au plus célèbre Jaguar de la planète pour ce 1er défi rondement mené en 35 heures, en lui souhaitant le meilleur pour les 6 merveilles qui lui restent à faire dans son sublime projet par lequel courir les cimes rime avec humanisme impliquant des associations caritatives. https://www.leetchi.com/c/les-7-merveilles-francaises..
Texte et photos: Daniel Guyot
