Andrea Huser est décédée hier à l’entrainement sur les hauts de Saas-Fee en Suisse, des suites d’une chute de près de 140 mètres après avoir glissé sur un ruisseau verglacé. Vététiste, triathlète et athlète suisse née le 11 décembre 1973 à Alt Sankt Johann, elle avait remporté en féminines le Grand Raid 2017. Eric Lacroix l’avait entrainé. Il se souvient de sa rencontre avec cette grande sportive. “S’entraîner dans les sentiers de montagne reste un plaisir et je m’y amuse. Ayant pourtant pratiqué de nombreuses disciplines sportives au cours des dernières années, je trouve finalement qu’aucun autre sport n’est plus naturel que le Trail car il nous permet de courir en toute liberté dans la nature.”
Ayant eu la chance de pouvoir l’accompagner dans son entraînement cette année là, j’avais pu interroger cette grande championne de l’ultra Trail en juin 2017 lors de son séjour sur notre île lors du trail du Colorado.

La Suissesse (Allemande) était venue affiner sa préparation en vue des 100 miles de la Western States le 25 juin en Californie, mais surtout préparer le grand rendez-vous réunionnais de la diagonale des fous fin octobre qu’elle avait remporté en réalisant un chrono extraordinaire de 26h34′.
Malheureusement elle a du stopper sa magnifique conquête de victoires en 2018 à cause d’une fracture de fatigue sur le marathon des sables. Trop gourmande de l’ultra distance ?
Sans nul doute au vu de son calendrier ahurissant de courses d’ultra distance entre 2015 et 2018.
Mais nous espérons la revoir bientôt dans les sentiers car nous aimons sa passion pour la montagne et sa manière d’aborder la pratique de l’ultra, et nous adorons sa gentillesse et son humilité. Portrait…

EL: Andréa, peux-tu te présenter rapidement ?
AH: Pour résumer je suis née le 11 décembre 1973 à Alt Sankt Johann et je vis en Suisse entre Thun et Interlaken. Je suis infirmière professionnelle. Après quelques années d’activités multisports. Je me suis mise au trail et surtout à la pratique de l’ultra trail qui est une pratique que je préfère et dans laquelle je me retrouve complètement.

EL : Depuis combien d’années t’entraînes-tu et pourquoi le choix de faire du haut niveau ?
AH: En fait j’ai pratiqué le VTT et le cyclisme durant 8 ans, mais aussi le triathlon, le patinage en ligne, le kayak, l’escalade et la course à pied. Je suis une amoureuse des sports énergétiques et de la performance. En hiver, je fais également beaucoup de ski de fond et de ski alpinisme que je pratique depuis plus de 13 ans.

EL: Pense-tu qu’il est nécessaire de faire beaucoup de volume à l’entraînement pour réussir en ultra trail ? Quel plaisir y trouve-tu ?
AH: À mon avis il faut et je dirais même qu’il est nécessaire de faire pas mal d’entraînements longs si vous voulez réussir à performer en ultra trail.
Aussi tout dépend de l’objectif visé. Si vous souhaitez par exemple gagner ou réussir une grande épreuve il faut vous entraîner avec de grosses charges en terme de volume et de qualité. En ce qui me concerne j’aime surtout faire de longues sessions à l’entraînement et aller courir dans la montagne, c’est une question de feeling. Je me sens vraiment libre quand je cours en nature et surtout dans la montagne.
J’aime y découvrir des sentiers différents et c’est une des raisons principales pour lesquelles j’aime la pratique du trail.
J’ai effectué de nombreuses disciplines sportives différentes au cours des dernières années mais l’ultra trail demeure pour moi la seule activité dans laquelle j’ai trouvé un véritable espace de liberté et de contact avec la nature.
L’entraînement dans les sentiers de montagne doit aussi rester pour moi un amusement et une passion.

EL: Le trail a pas mal évolué ces dernières années et la préparation aux épreuves nécessite une approche beaucoup plus spécifique entre le kilomètre vertical ou l’ultra, qu’en pensez-vous ?
AH: Pour un km vertical, vous devez être très très rapide en montée, et il faut donc en tenir compte dans votre entraînement en faisant un travail spécifique. Avec notamment des séances d’intensité élevées.
Pour un ultra trail par contre je pense que vous avez plus besoin de vous entrainer en descente mais aussi attacher une grande importance à la gestion de course (que l’on appelle aussi le pacing) en intégrant surtout l’aspect mental.

EL: Tu attaches donc une importance aux aspects mentaux dans cette activité ?
Oui tout à fait, vous avez vraiment besoin d’une force mentale pour réussir dans en trail et surtout en ultra trail. Mais si vous arrivez aussi à vous amusez à l’entraînement et en compétition vous aurez un avantage, celui d’avoir un mental plus fort.
En effet une certaine approche que j’appelle auto-positive peut vous aider à lutter contre la fatigue physique. Si j’arrive à gérer ma fatigue et à prendre conscience de « l’ici et maintenant » j’ai plus de chances d’aller au bout de ma course.
Il est également primordial de lutter contre soi-même et non contre des adversaires, c’est mon avis.

EL: Pense-tu qu’une bonne connaissance de la nourriture est essentielle pour réussir en trail?
AH: C’est une question très large et tellement discutée. En fait cela dépend de ce que le coureur à pris comme habitude, et de ce qu’il mange au quotidien. Je pense qu’une alimentation saine est importante mais elle n’est pas non plus essentielle, et c’est ce qui me diffère parfois d’autres coureuses obnubilées par leurs poids et par leur nourriture.
Pour bien vous entraîner et réaliser de belles compétitions vous avez surtout besoin d’être en bonne santé avec un système digestif solide.
Mais les bons aliments ne font pas forcément un bon coureur, et c’est surtout une sorte d’équilibre et de bon sens qu’il faut intégrer dans votre alimentation. Pour ce qui me concerne je ne mange pas une nourriture spéciale, et je mange surtout ce que j’aime et ce qui me réussi.

EL: Peux-tu nous donner une semaine type d’entrainement élevée en terme de charge de travail que tu as déjà effectué récemment ?
Lundi soir: 2h de cyclisme sur Home-trainer
Mardi soir: Entraînement en salle avec renforcement musculaire (1h30)
Mercredi soir: 1h30 avec du « myo cross max » avec enchaînement de 1 x 1’ de chaise (en bas d’une côte) et 30’’ de de montée rapide
Jeudi matin: 2h30 footing avec 30 minutes rapide sur la fin
Vendredi matin: 2h de ski alpinisme, sortie à jeun (déjeuner sur la montagne)
Samedi matin: 40 minutes de footing + 3 x 20’ rapide en montée et en descente sur sentier de 15/20% de pente (séance de ups and downs enchaînée), ce qui fait une grosse sortie au total
Samedi soir: Course de nuit en ski alpinisme, sortie de 1h20
Dimanche: Sortie longue type trail avec 7h et 2200 d+

EL: Peux-tu nous donner la recette qui à tes yeux te parait la plus adaptée pour parvenir à de tels résultats en compétition ?
AH: Je pense que la clé est de faire de longues sorties en montagne ou en nature, avec parfois 3 ou 4 sorties longues par semaine. En tous les cas cette formule m’a souvent amené en pleine forme pour mes objectifs.
Au cours des deux dernières années, j’ai pris l’habitude de faire 3 semaines d’entraînement avant l’UTMB en effectuant 11000m de dénivelé positif. Je reste persuadé que, associé à quelques rappels de séances intensives, cela m’a permis d’être performante par la suite sur le grand raid.

EL: Est-il important de faire une grande coupure dans l’année, et pourquoi ?
Oui, après une longue saison avec un entraînement très chargé et des courses qui s’accumulent, j’ai besoin de faire une pause. Mon corps en a besoin. Il est aussi très important de faire autre chose pour la tête. C’est pourquoi je pratique d’autres sports avec des amis que je ne vois pas beaucoup au cours de la saison.
J’aime aussi faire des choses après le travail et être paresseuse car cela me permet de récupérer pour le corps et l’esprit.

EL: Quels sont tes futurs projets, voire tes rêves à venir dans la discipline ?
Je suis âgée de 44 ans (en 2017) et je sens que la récupération devient de plus en plus difficile. Mais je suis en train de faire une saison assez énorme en terme de projets et de voyages. Mon rêve suprême est de gagner l’UTMB (elle a terminé 2ème à quelques minutes seulement de Nuria Picas). Car en tant que première femme Suisse, ce serait un véritable honneur. Rêve donc presque réalisé !
Je sais que c’est très difficile, mais je vais essayer. Si je fais la même course que l’année dernière début septembre, ce sera génial.
Mais l’essentiel est pour moi de pouvoir rester en bonne santé et de continuer à courir, c’est cela aussi mon rêve …

Performances et principaux résultats
Andrea Huser à été championne d’Europe en 2002 et quatrième des championnat du monde en 2004 de cross-country marathon en VTT.
Elle à également pratiqué des triathlons avec deux victoires à l’Inferno Triathlon (2011, 2012)
1ère du Grand Raid 2016 en 27h44 puis 26h34” en 2017
2ème sur l’UTMB 2016 en 25h22
1ère de l’ultra trail Madeira 2017 en 16h30

Interview: Eric Lacroix
Photo: Pierre Marchal

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