L’Entre-Deux se réveille au son du micro déployant le plus bel écho d’accueil par Jérôme Désiré. L’écrin de la calme bourgade, formé par les crêtes fortement crénelées des montagnes, commence de se dessiner majestueusement avec les premières lumières du jour. Comment ne pas penser qu’un de nos amis traileurs vient d’y perdre tragiquement la vie. Salves d’applaudissements et minute de silence seront dédiées par un chaleureux rassemblement sur la pelouse du stade, à Frédéric Bécue – passionné de ces montagnes qui nous entourent où il a chuté – et Jean-Pierre Lessort – ex ultra-traileur devenu coordonnateur des courses du Grand Raid -, tous deux décédés mercredi dernier. Ensuite, nous irons prendre le départ sur la route, logique pour un « Trail de la Gare Routière », nom que le jeune club D.S.A. (Dimitile Sport Action) et la municipalité, ne sont pas allés chercher trop loin…

La 1ère gare de l’Entre-Deux (située à côté du stade…), ainsi que la navette « Géranium » – dont la couleur verte a été reprise pour les quelques trophées accordés aux athlète non moins verts de part leur jeunesse -, ont été inaugurées en mai 2019 par le Président de la CASUD, André Thien Ah Koon, avec le maire de l’Entre-Deux, Bachir Valy. On ne croit pas si bien faire en se rendant – pas en bus, impossible – à l’Entre-Deux, pour s’y mettre un peu au vert loin de l’effervescente St Denis souvent saturée de voitures particulières en dépit de son « Coeur vert », afin d’rembarquer dans le tout 1er « Trail de la gare », aux bus, abris, et lignes vertes… A nous, les verdoyants sentiers natures qui partent de cette fort jolie bourgade à l’air sain, et où la circulation demeure agréable.

Mais si l’on poursuivait la métaphore d’un trail qui nous entraîne dans un tout premier voyage depuis la gare, il conviendrait d’en revenir aux débuts des rustiques « cars courant d’air » d’antan, tellement le périple, même à bonne vitesse, typé « trail », sera remuant à souhaits, alambiqué et chaotique, au pays des bosses. En effet, le parcours de 16 km alterne de fortes pentes bien roulantes – qui sollicitent le moteur – avec des portions très techniques – qui malmènent la mécanique… Sur ce plan, D.S.A. a assuré en concoctant un circuit très varié, digne d’intérêt, pour ce premier départ. 220 passagers s’y sont embarqués avec l’enthousiasme propre à un tout nouveau voyage ; certes, pas trop de paysages, mais des sites et passages qui valent vraiment le coup. (D’abord, un bon raidillon jusqu’au point culminant à 610 m, via le « Sentier Coteau Sec » menant vers le début du fameux « Bayonne » ; puis, après être redescendus à l’alti 400, retour aux 600 via le « Sentier Rosélie » croisant le « Zèbre » avec point de vue sur « Bras Long » ; nouveau retour aux 400 sur une portion du « Sentier Dassy » ; enfoncement dans la ravine en galets et eaux de la boucle du « Bassin Sassa », remontée vers « Coteau Sec », avant une ultime descente technique sur le « Chemin Roland Garros » menant à un tour de stade… Un balisage moyen et quelques signaleurs distraits comme de vieux chefs de gare qui pensent que tout roule sans eux, donnaient parfois une impression de rallye d’orientation…) Le président de D.S.A. m’avait dit que le circuit présentait moins de 10 % de sentiers et que, par conséquent, des chaussures de routes étaient indiquées. À l’analyse de la topo, et avec une connaissance de la plupart des lieux, j’avais quand même prévenu les amis qu’il valait mieux rouler en pneus trail, ce qui s’est avéré salvateur… La qualification de « trail » se justifie pleinement. Seul, le sac n‘était pas forcément nécessaire, puisque les ravitos s’avéraient largement suffisants, et les gâteaux patates d’arrivée bien reconstituants.

Nous sommes toujours enclins à accompagner une nouvelle initiative de course sur l’île. Pour cette première, nous avons rameuté un bon petit groupe depuis le Nord. Mireille Vélia, Laurence Servan, Eddy Paquiry et moi-même, en formaient le noyau fédérateur. Mais plus d’un ont été bien déçus par les modalités de récompenses. En effet, si les catégories, junior, espoir, cadet, senior, étaient dûment concernées, en revanche, tous les masters (M0, M1, M2, M3, M4, M5, M6, M7, …) étaient mis dans le même paquet – comme en soutes à bagages… – pour un seul podium sans distinction d’âge. Au-delà de 34 ans, plus de classement catégoriel… (Outre une lecture à la lettre de l’affiche, on aurait dû y penser : il faut reconnaître que les réseaux de bus réunionnais sont essentiellement scolaires – dédiés à la jeunesse par nécessité – l’idée de transports en commun pour tous n’ayant pas fait son chemin…) Or, c’est après 40 ans que les différences de niveaux sont les plus conséquentes, moins entre 20 et 34 ans… Et à partir de M2, plus aucune chance d’être récompensé pour sa performance, à une seule exception près, l’extraordinaire ami Jean-Louis Robert… Mais pour ne citer qu’un autre Jean-Louis, de son nom, Huart, 1er M6, aucune reconnaissance. Autant le dire clairement, cela pourrait s’apparenter à une pratique discriminatoire validant l’avènement d’un jeunisme qui déconsidère les plus anciens dans toutes les sphères de la vie sociale ; et pourtant, le sport devrait être garant du respect des valeurs, en accordant au contraire le plus grand mérite aux catégories des Masters, proportionnellement à leurs âges, de sorte qu’ils ne deviennent pas de simples figurants comptant pour du beurre, justes bons à gonfler les effectifs et payer de leur inscription les récompenses des seuls jeunes…

Sachant que D.S.A. reprend les rênes de la Trans-Dimitile – suite au désengagement de l’OMAG -, j’ose espérer que cette mythique épreuve – je l’ai courue une douzaine de fois y compris l’année où elle avait accueilli les championnats du monde, 1998 – ne subisse pas le même sort… Si une organisation reste parfaitement libre de donner des récompenses à qui elle veut – et on en a déjà suffisamment sur nos étagères -, en revanche, on pourrait s’attendre au moins à ce qu’un classement conforme soit établi indépendamment des protocoles propres à l’épreuve. Soit un classement catégoriel concerne tous les coureurs, soit personne. Avec les centaines de courses que j’ai faites, c’est la toute 1ère fois que je vois ce « procédé »… Cette disqualification des Masters relève-t-elle d’une maladresse pour économiser, d’un simple manque de jugeote, ou d’une dévalorisation assumée des plus de 34 ans? C’est en tout cas un très mauvais signe donné à la jeunesse et un pas de plus dans la rupture des liens intergénérationnels déjà mis à mal. (Les jeunes voyageurs en bus manquent déjà graduellement de courtoisie à l’égard des personnes plus âgées…) Mais ne dit-on pas que la couleur verte, emblème de l’épreuve, est celle de l’espoir ? Alors on peut toujours espérer qu’après cette mise en route, tous les passagers du prochain voyage auront la même considération…

Cette première fois, restés à quai de la gare sans égard, et exclus de la petite fête finale en raison de nos âges – j’ai beau m’être habillé en petit bonhomme vert, rien à faire !… -, nous sommes allés nous changer les idées dans un bon restaurant Saint-Pierrois où jeunes et vieux sont logés à la même enseigne ; puis, forts d’une petite « ivreté », – ben oui, les vieux ont plein de défauts… – ajoutant une douzaine de km supplémentaires à la course qui nous avait amenés à en faire 16 avec 700 m D+, nous avons suivi le parcours de la « Diab’Athlétique » depuis Ravine Blanche, en guise de récupération active. (Pour cette dernière épreuve, seuls les premiers au scratch sont récompensés, s’agissant d’une manifestation à vocation caritative, mais un classement en bonne et due forme est néanmoins établi par SportPro, conforme aux règlements.)

Bravo à tous les coureurs qui ont répondu présents pour le lancement de ce « Trail de la Gare Routière », à tous ceux qui se sont avérés des passagers de 2ème classe, comme à ceux qui en ont été les éléments moteurs, Nadine Leveneur chez les féminines, une vaillante coureuse de grande expérience, et chez les hommes, le jeune senior Paolo Velle – déjà 1er cette année de la « Course Papangue » et de la « Tansvolcano 63 km » – juste devant Jean-Louis Robert…

Plaisir d’avoir partagé l’inauguration d’un nouveau parcours digne d’intérêts, d’avoir participé au lancement d’une nouvelle épreuve qui a du sens et présente des atouts, mais aussi perplexité sur les légèretés dont le manque de considération envers les presque 100 Master H et 50 Master F (le plus gros des effectifs sans lesquels la course n’aurait pas eu lieu) : notre avis est entre les deux, à l’Entre-Deux… Le « Trail de la Gare Routière » s’est finalement avéré assez conforme aux ambiances de nombreuses gares routières réunionnaises qui donnent parfois envie d’autres moyens de transports…

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