Des Histoires de Grands Raids à celle de la crise actuelle… En ce jour d’anniversaire de la 1ère mise en confinement avec arrêt quasi-total du sport, Daniel Guyot se prend à rêver en des jours meilleurs. Séquence souvenirs.
Sur cette photo souvenir d’octobre 2018, en noir et blanc, des expressions qui en disent long… Nous sommes à Cilaos, après 12 heures de course, invariablement le même temps chaque année depuis les départs de la capitale du Sud, Saint Pierre. Jusque là, Emmanuel me suit ; à ce stade, après 70 km de montagne, on pourrait raisonnablement penser que le jeune senior va s’envoler et que le vieux diesel va continuer son train de sénateur sur la centaine de kilomètres – avec le plus gros dénivelé – restant. Mais non, le jeune parviendra à La Redoute dimanche matin, après que le vieux, arrivé la veille, aura passé une bonne nuit dans son lit, pris un copieux petit-déjeuner avant de retourner avec sa chasuble jaune de Finisher sur le théâtre des opérations afin d’applaudir Emmanuel, et d’en encourager d’autres…
A Cilaos, on perçoit chez le vieux un éveil et une concentration, cependant que le jeune, tout en gardant la tête haute, n’en a pas moins les yeux en capote de fiacre et serre les dents… L’ultra-trail, ça se joue fondamentalement sur l’ANTICIPATION, une juste représentation du chemin à parcourir, une vision permettant de se projeter, l’éveil à ce qui advient, dans la réserve, l’expérience, l’humilité, la mobilisation de moyens adaptés, la capacité à réajuster les projections avec tempérance.
C’est tout ce qui a manqué aux « autorités » lors de cette crise Covid. Elles y vont fièrement les yeux fermés, les doigts dans le nez, en racontant des histoires, puis, confrontées aux réalités qui s’imposent, doivent se garer au bord du chemin, mettre sur pause, confiner… – comme si elles jouaient aux kilian Jornet avec une simple capacité de marcheurs du dimanche -, puis repartent dans la confusion, après chaque saturation qui les arrête, sans aucunement tirer les leçons de cette avancée chaotique, voire erratique…
Emmanuel Larose, lui, a au moins eu le mérite d’arriver au but, de RÉUSSIR. Pas sûr qu’il en soit de même pour d’autres jeunes Emmanuel – aux prétendus noms mêlés de La Rose et Du Lys – et ses disciples, incarnant une édifiante défiance envers le sport pourtant garant de santé, de clairvoyance…, et qui se vantaient néanmoins d’être plus et mieux « En Marche » que les autres…
En ce jour d’anniversaire de la 1ère mise en confinement avec arrêt quasi-total du sport, me vient cette pensée : si ceux qui ont fait annuler le Grand Raid – créé par les autorités régaliennes en 89 et animé alors par une élite militaire – avaient plutôt tenté de faire la course avec nous, sans doute auraient-ils acquis une expérience susceptible de rendre plus agréable, avisée, adaptée aux réalités, sportive, saine et surtout HUMAINE, cette sombre année écoulée… Année blanche pour la vie sportive en général. Une existence inéluctablement nostalgique, en noir et blanc…
Texte et photo Daniel Guyot