Le multiple champion réunionnais de trail et de triathlon David Hauss a choisi de mettre fin à sa carrière sportive pour se consacrer pleinement à sa famille. Ses récentes défaites ont pesé lourd et ont inévitablement mis un frein à ses ambitions de victoires. Il se confie comme jamais sur son état d’esprit, ses ressentis, ses doutes et ses déceptions. « Je n’en ai plus la force » confie t-il. Une page se tourne et avec elle un grand nom du sport réunionnais.

« Dans quelques jours j’aurai dû prendre le départ du Lavaredo ultra Trail dans les Dolomites Italiennes et lancer la dernière ligne droite de ma préparation pour l’UTMB fin Aout qui pouvait être l’apothéose trailistique d’une vie : Un rêve ultime pour beaucoup, aussi pour moi depuis que je me suis reconverti au Trail il y a quelques années ; la préparation, l’ ambiance du départ, le parcours mythique, les derniers kilomètres dans Chamonix rendus incroyable par la foule amassée, le soutien de toute une famille dévouée, vivre les émotions folles et tout le folklore qui va avec… Il n’en sera rien. J’ai décidé d’arrêter la COMPET, d’arrêter l’ULTRA, je n’en ai plus la force et surtout plus la motivation depuis quelques mois et le dernier Grand Raid de la Réunion qui ne restera qu’un mauvais souvenir, un acte manqué. Quelque chose en moi, au plus profond de cette nuit s’est cassée avec cette nouvelle erreur de balisage, depuis rien n’est plus vraiment comme avant. J’avais beaucoup misé sur cette course et investis presque autant que pour des JO avec le sentiment que j’avais tout fait pour l’emporter ce jour-là. La déception n’en fut que plus grande, la frustration, la colère, l’injustice que j’ai pu ressentir ne se dissipent pas. Je n’éprouve depuis plus aucun plaisir à courir sur les sentiers ou à me dépasser pour un objectif. Cela résonne en moi comme un traumatisme. Finit la compet ! J‘ai trop mal vécu les derniers mois, des déceptions qui font mal et m’ont plongé dans une certaine dépression. Celle qui ne donne plus envie de rien, de ne voir personne, celle qui donne envie de se faire mal à chaque fois que la vie en donne l’occasion, de tout laisser aller. Pour du sport me direz-vous ? mais le sport c’est toute ma vie depuis que je suis tout petit et cette course devait être autre chose et je n’accepte pas l’idée de s’être perdu encore une fois sur la course de mon cœur. Mais mince est-ce si compliqué de baliser correctement des intersections, quand de nuit en tête de course toutes les secondes comptes !? Ce devait être une fête, un accomplissement, un aboutissement, ce fut tout le contraire une déception, une frustration, de la colère, un gros sentiment d’injustice qui me fait renoncer. Des sentiments qui me hantent à chaque pas que je peux faire depuis. Je ne pratique pas pour participer ou finir les courses auxquelles je participe et mon statut de professionnel me fait m’investir depuis que j’ai 15 ans sans compter dans ma pratique pour obtenir les meilleurs résultats. Aujourd’hui cela ne me fait plus rêver que de m’entraîner dur pour espérer remporter des courses, investir tout ce temps pour ça n’est plus ma priorité mais rater des choses auprès de ceux que j’aime doivent compter davantage.

J’éprouve aujourd’hui plus de fierté et ressent plus de bonheur de me rendre d’un point A à un point B que de gagner des courses. Quel bonheur de prendre son vélo pour rallier Amsterdam en rasta depuis chez moi au gré d’un vent de face ou faire un tour de suisse en dormant à la belle étoile et repartir congeler en plein milieu de la nuit sous la pluie. C’est tout aussi épanouissant et fort de sensations. Fort heureusement je ne suis pas seul et ma femme et mes enfants présents auprès de moi m’aident à ne pas sombrer totalement. Je refais surface peu à peu et retrouve la force aujourd’hui d’écrire ces quelques mots qui j’espère en aideront quelques-uns à relever la tête car toutes les choses finissent un jour par tourner qu’on se le dise ! Je fais une pause pour vivre mon sport différemment, ceci n’est pas une retraite car il n’y a pas de début ou de fin pour ses rêves ou le dépassement de soi, moi mes rêves sont désormais ailleurs. Profiter mieux de mes enfants, de ma femme que j’aime, de la vie tout simplement. Le sport de haut niveau rend malheureux, peu le dise ou l’exprime mais nombreux le vive. C’est la loi de la jungle, celle du plus fort qui prime. Pas de place aux faibles, aux chétifs, aux fragiles, aux impuissants, aux chancelants. Les santés mentales sont mises à rudes épreuves. Le sport de haut niveau c’est dur Pierre et l’investissement demandé encore plus !

Je fais une pause pour faire des choses que j’ai trop longtemps repoussé, des choses que le sport de haut niveau empêche de concrétiser pour la plupart d’entre nous. Des choses simples ; coacher, entrainer des gens car après avoir reçu pendant des années il est temps de redonner ce que j’ai appris. Je me lance dans le coaching du trail et du triathlon car je ne connais que trop bien les mécanismes de fonctionnement d’un athlète qui cherche à s’améliorer et partager ce que j’ai appris auprès des plus grands coachs me passionnent. J’ai expérimenté par moi-même tout un tas de technique d’entraînement à travers le monde qui ne peuvent que légitimer mon engagement et cela me redonnera je l’espère la force d’avancer.

J’ai pour but l’année prochaine aussi de lancer mon épreuve de trail dans le Jura Suisse et cela est très excitant. Aussi voyager avec mon vélo, continuer la boulangerie ou encore aller découvrir des nouveaux spots de bivouac en famille dans des endroits encore plus ouf sont mes nouvelles priorités. La vie continue les amis et même si ce n’est pas tous les jours tout rose, les couleurs finissent elles aussi toujours par changer. Respire ».

Texte David Hauss
Photo Pierre Marchal

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