Malgré une carrière internationale haut de gamme, « Sugar Ray Blain » ne roule pas les mécaniques.
Fin 1993. Willy Blain, à peine seize ans, est déjà confronté à un choix de vie tactique. Passer tranquillement son CAP de métallerie à Sainte-Clotilde. Ou répondre favorablement au courrier de la DTN l’invitant à se rendre aux championnats du monde juniors à Cuba. Tout juste auréolé de son premier titre de champion de France cadets, le Saint-Pierrois, en concertation avec papa, opte pour la seconde alternative.
On connaît la suite. Cette croisade en terre sacrée du noble art marquera le début international d’une carrière haut de gamme à l’export. « Merci à mon père qui fut aussi mon premier entraîneur. Ainsi qu’à toute ma famille. Je ne serai pas ce que je suis sans eux ». Second français de tous les temps à avoir conquis un titre mondial amateur en 2013 à Bangkok, Blain se rappelle d’où il vient lorsqu’il évoque ses heures de gloire. « Marmaille, j’étais tout petit, tout maigre, je ne parlais pas. La boxe m’a fait découvrir qui je suis réellement ».
L’humilité du propos tranche de façon exemplaire avec le palmarès de son auteur. Malgré son sacre mondial, ses deux olympiades et sa carrière pro, Willy Blain ne se la raconte définitivement pas. Presque surpris par la notoriété qui est la sienne dans les rues de la capitale du sud, il avoue être remonté sur le ring fin 2016 en gala pro à Saint-Denis pour rendre au public réunionnais ce qu’il estime lui devoir. « Je devais une fois au moins boxer à La Réunion. J’aurais juste préféré que ce soit à Saint-Pierre ».
Grande soirée à Saint-Pierre
Rechaussera-t-il à nouveau les gants dans un avenir proche ? Le champion du monde préfère pour l’instant réserver sa réponse. Une chose est sûre en tout cas. Il devra s’y prendre au plus tard l’an prochain, date de son quarantième anniversaire et âge butoir pour disputer un combat en tant que professionnel. «Ma licence est valable encore quelques mois. Je verrais »/. Il n’en dira pas plus. Si ce n’est qu’il organiserait bien une grande soirée rassemblant toutes les boxes à Saint-Pierre.
Sa présence sur un ring, même à l’approche de la quarantaine, resterait un événement que les puristes ne manqueraient sous aucun prétexte. Car au-delà de son palmarès, c’est le style Blain qui a marqué les esprits durant ses années de combat chez les amateurs comme chez les professionnels. Surnommé « Little Sugar » ou « Sugar Ray Blain », le mimétisme entre la star US et l’étoile réunionnaise s’est toujours imposé comme une évidence.
Alliés à sa vitesse, sa précision et son coup d’oeil, ses déplacements, comme dansés, ont fait chaviré les publics les plus exigeants. « Mon père passait du James Brown à l’entraînement. Ce qu’a aussi fait une équipe de télé pour illustrer mon jeu de jambes». Danser, créer, jouer. Comme un artiste. Malgré la rudesse de son sport fétiche, c’est par le prisme de l’artistique et du jeu qu’il l’a transcendé. « Je ne monte pas sur un ring en me disant que je vais détruire le mec. Mais que je vais m’amuser avec lui. Toucher, sans se toucher, comme le chat et la souris. Si tu as compris ça, tu as compris la boxe ». Du jeu, de l’instinct, de l’impro et du cœur. Willy Blain sur un ring, c’est avant tout une élégance de tous les instants, le propre des grands.
Texte : Arthur Fontaine
Photos : Pierre Marchal