Après avoir déjà survolé le Trail du Volcan, Rivosoa Hobilalaina Andrianirina, alias Mamie, s’est imposé de la meilleure manière sur le format long de 71km de ce premier Trophée de l’océan Indien, en 7 h 51 devant Elias Kadi et Alexandre Dépêche (respectivement 8 h 01 et 8 h 10). Chez les femmes c’est Hortense Bègue-Gonneau qui l’emporte devant la très remarquée Victoria Devouge qu’on ne présente plus.

Au programme de ce samedi 1er juin, deux formats de trail étaient proposés par l’UTOI : un 71 km pour 2 900 m D+ partant du vélodrome de Saint-Denis à 2 h du matin, via le gîte des Chicots, Dos d’âne et Rivière des Galets ; un 38 km pour 1 350 m D+ partant à 7 h du stade de La Redoute, via Colorado, Fenêtre Ilet à Guillaume et Saint-Bernard. Les deux courses se rejoignaient dans les hauts de la Grande Chaloupe pour emprunter les mêmes 23 km jusque l’arrivée au salon du trail à la NORDEV. La suite des festivités avec remise des récompenses, y avait lieu le lendemain après-midi dans une extraordinaire ambiance…

Les conditions générales de progression
Ces courses, aux parcours agréables, s’avèrent globalement assez roulantes, même en étant bien bosselées ; elles nécessitent de nombreuses relances dont la répétition pouvait favoriser ces fameuses crampes que beaucoup ont évoquées. Les coureurs du grand format auront dû jongler avec la fraîcheur marquée des hauts et l’ardeur du retour par la côte Nord-Ouest… Le climat, comme la nature des sols plutôt secs, favorisaient la progression sur la plus petite boucle.
Marque de fabrique de l’UTOI, les accueils aux départs ont été chaleureux, les ravitos excellents, et les bénévoles aux petits soins… Les corrections d’imperfections antérieures étaient remarquables ; ce fut particulièrement le cas des balisages, flèches vertes, rubalises UTOI, présence humaine aux passages délicats : parfait.
Les moyennes de vitesses constatées sont assez élevées ; on atteint du presque 9 km/h sur le grand format, du 11 km/h sur le plus petit. Perso, avec une modération qu’exige la « Poon Tour » (100 km) 6 jours après, je suis sur du 7.5 km/h, ce qui reste correct vu les passages techniques. (Quand on fait comme moi quasiment une « compétition » chaque week-end, on ne gère pas seulement une course pour elle-même mais au regard d’une enfilade d’épreuves…Cette dernière pouvait être une excellente transition, modulable. Mireille, 2ème M3, a en ligne de mire cette fin de mois la traversée 97.4, cependant que je serai sur le 178 km de l’Ultra-Marin… Ces récidives nous obligent, mais nous permettent aussi de vivre les courses avec discernement, et de les comparer… Et ce Trophée se distingue !) Il fallait en garder sous la semelle pour ne pas trop mollir sur les derniers 23 km en commun, ceux qui nous ont rassemblés solidairement dans l’effort…

La fusion des deux courses à partir de Saint-Bernard pour une arrivée partagée
Parvenu sur la jonction des 2 parcours, les circonstances font que je double un 1er traileur du 71 km en descendant vers Moulin Cader. Le félicitant au passage, quand il me répond de l’arrière, je réalise qu’il s’agit de Wilfrid Oulédi, un authentique champion au parcours Hors Norme : 2ème à la Diagonale 2005, 3ème à la 2006, 7ème à la 2008, 9ème à la 2003 ; 9ème à l’UTMB 2006… Je l’attends au ravito et nous faisons la boucle par-delà la Grande Ravine, ensemble. Il me dit être alors 17ème et 1er M3 évidemment, (il en terminera 15ème). Comme il ne connaît pas du tout cette portion, je lui fais un petit topo sur les 260 m de D+ qui s’annoncent, (l’ultime grimpette), avec le profil, les quelques passages techniques, dont la ravine caillouteuse, et les parties roulantes ; je peux être d’autant plus précis sur cette section à venir que j’en ai fait la reco mercredi soir, histoire de tester le balisage – qui s’est avéré excellent -, vu les nombreux croisements de sentes dans le coin ; la discute est sympa, mais sentant le grand gaillard reprendre alors du poil de la bête, je lui dis de passer devant en l’encourageant à remettre du rythme… De l’avis de la majorité des traileurs, ces abords du Sentier des Cordistes furent un passage aux nombreux « coups de mou »…
Au Barachois, c’est une autre immense pointure du 71 km, qui se porte gentiment à ma hauteur : Victoria Devouge qu’on ne présente plus, 2ème féminine, très proche de la 1ère Hortense Bègue-Gonneau (juste 7 minutes entre elles à l’arrivée). Connaissant son rythme habituel sur le plat, je constate ne pas être le seul à ne guère relancer comme envisagé sur le littoral ; et pour cause : longeant une mer moutonnée, contre un très fort alizé de face, on se croirait en train de faire de la planche à voile sans pouvoir prendre des bords… En réalité, on rame. C’est d’autant moins facile pour un gabarit léger comme moi. Au lieu des 14 km/h qu’on aurait pu escompter, nous voilà trottinant à peine sur du 10 km/h… Nous doublons néanmoins, un autre jeune coureur du 71 km, et un ou deux autres du 38 km. Etant avec Laetitia Berly de l’Entente du Nord depuis la fin du Sentier des Remparts, je reste galant, et finalement bien escorté en escadrille classe, je me contente de suivre les 3 féminines, Victoria, Nathalie Bertin, et Laetitia, un trio de 2èmes (respectivement 2ème au scratch du 71 km, 2ème M0 et 2ème M2 du 38 km). Perso, je me doute bien être 1er M6 ; ce sera 36 minutes devant le 2ème, l’ami prof de philo, Arnaud Sabatier, un coureur au très bon esprit, vegan et crudivore, avec qui je partage les points de vues écologiques, et celui de ne pas accepter le traitement que l’industrie agroalimentaire fait subir aux bêtes, gardant notre propre conscience quelque peu animale qui nous pousse à courir… Nous sommes des bestioles civilisées auxquelles l’esprit UTOI, par delà l’ego compétitif propre aux courses en général, accorde la meilleure opportunité d’expérimenter une autre manière d’être avec soi, et surtout avec les autres…

Fédérer les îles indianocéaniques, fédérer les pratiques Outdoor, fédérer tous ses acteurs…
Belle idée que de renforcer les liens entre les îles par le trail, sport à fois populaire et pleinement ancré dans les territoires, par prédilection ; sport en lien avec une forte pratique de la marche jusqu’à la fin du 20ème siècle, en ces territoires. L’archipel présente bien des caractères hétérogènes (économies, moyens, accompagnements des sportifs, facilités de déplacements, etc.) mais le 1er Trophée de l’Océan Indien a posé des jalons.
Il est heureux que de Madagascar, dont on connaît toutes les difficultés sociopolitiques, nous soit venu un extraordinaire champion nous donnant avec humilité, une sacrée leçon de trail ! Après avoir déjà survolé le Trail du Volcan, Rivosoa Hobilalaina Andrianirina, alias Mamie, s’est imposé de la meilleure manière sur le format long, le seul à être passé sous la barre des 8 heures (7 h 51) avec une avance conséquente sur Elias Kadi et Alexandre Dépêche (respectivement 8 h 01 et 8 h 10). On a vu notre ami Surfa Sanyo, arborer son beau maillot des Comores, 1er M0 et 5ème au scratch du 38 km.
Bonne idée également que de faire arriver les 2 formats du Trophée de l’O.I. au salon du trail à la NORDEV, où les divers acteurs de l’Outdoor (vélo, trail, trek… et pratiques complémentaires pour travailler les facultés d’endurance) ont pu se rassembler ; conseiller, assister, voire équiper les sportifs ; présenter des épreuves sur d’autres îles – tel au stand Rod Trail pour Rodrigues où j’aime tant courir, dommage de n’y avoir pas gagné les voyages du tirage au sort – ; informer familles et visiteurs dans le cadre de la grande dynamique à l’œuvre en ce monde du Outdoor.

L’UTOI favorise un foisonnement d’émotions
Que recherche-t-on donc de fondamental dans les trails, si ce n’est une intensité d’être, une joie de vivre dans une sociabilité directe en deçà et au-delà des statuts, une expérience totalisante de l’existence où les pensées se libèrent, les sensations foisonnent… Mais là où beaucoup de compétitions s’arrêtent en chemin, reconditionnent, créent des frustrations, manquent à certaines valeurs par intéressements ou défauts d’ouverture, l’UTOI a le don de libérer toutes les émotions par ses propositions d’aventures bien réfléchies, et ses dispositifs singuliers (comme ces Trophée et Salon). Une boucle « Il était une fois dans l’Est », une innovante « Traversée Grande pour géants », un « Trophée sans frontière »…, et nous voici embarqués dans de rares réelles présences à toutes les altérités (une nature sauvage, des parcours inédits, des coureurs venus d’ailleurs, des rencontres improbables, des situations d’exception, etc…)
Tantôt on se lâche dans de jubilatoires danses, tantôt on se rassemble avec solennité sur fond d’hymnes nationaux, comme ce fut particulièrement le cas avec Madagascar face à la fabuleuse victoire de Mamie qui a fait l’admiration émue de tous… Et on est tellement contents d’être tous ainsi remis à notre place ! La folie côtoie le sérieux ; aux difficultés suivent les résiliences…

L’alchimie d’un trail humaniste qui imprime depuis la tête de l’UTOI jusqu’aux bénévoles
Le slogan de l’UTOI, « L’humain au cœur de notre action », se traduit pleinement dans les faits.
Sur les centaines de courses que j’ai faites ici comme ailleurs, je n’ai jamais vu un Président d’organisation accueillir chaque arrivant, du 1er au dernier, tant sur la ligne d’arrivée – leur accorder de chaleureuses salutations et félicitations individualisées, leur offrir personnellement de savoureuses dégustations de la gastronomie locale… -, que sur le podium pour chaque récompensé.
Ces soucis de bienveillance, de disponibilité, de respect et de soins attentivement accordés à tous, d’empathie pour les moins chanceux, de convivialité enjouée, de partages et d’écoute, se retrouvent à tous les étages.
Je pourrais ainsi parler de nombre des bénévoles, dont les jalonneurs très présents sur le terrain pour la sécurité. Mais afin de ne pas répéter les nombreux avis positifs entendus, je prendrai l’exemple d’un portrait archétypal : après avoir traîné au salon du trail, puis traversé la capitale à pied en guise de récup’ active des abattis afin de récupérer notre voiture au stade de La Redoute samedi soir, nous tombons, au pied de La Délivrance, sur un jalonneur qui attend patiemment. Armé de sa chasuble orange estampillée UTOI, Henri-Michel Graviva, 65 ans, me parle de Jean Claude Guiton, de Fabrice Payet, et de l’étoile bénédictine avec qui je courais ce matin sur les pistes de La Montagne… Ses yeux pétillent de passion. Posté là depuis tant d’heures, il encourage les raideurs raidis qui passent, épuisés, parmi la quarantaine qu’il attend encore à 18 h 30. Il leur reste 8 km où ils ne pourront que marcher lentement, mais déterminés à aller au bout. L’organisation sera tolérante pour accueillir les 8 traileurs ayant dépassé le temps alloué des 19 heures maxi prévus au règlement ; les 3 derniers des 300 finishers du format 71 km, franchiront finalement la ligne d’arrivée à 21 h 18 avec un réconfortant accueil.

Le calendrier sportif de La Réunion est chaud ; après une séquence de 3 beaux rendez-vous UTOI, il nous reste à attendre 6 mois, précisément jusqu’au 7 décembre, pour la 2ème Grande Boucle de l’Est. Mais que les courses furent fabuleuses, que la fête finale fut féerique ! Avec nos polos et tee-shirts collectors (pour des 1ères !) ainsi que nos magnifiques trophées portant le nom de toutes les îles et mettant en scènes les coureurs dans les montagnes basaltiques de l’archipel, les traces d’une forte éruption du trail restent visibles ; mais le rituel gonflement magmatique est déjà observé en vue du prochain jaillissement, car ça jase et ça se jauge dans les discussions entre traileurs, pour être absolument de la partie la prochaine fois, en mode UTOI, of course…

Texte et photos Daniel Guyot

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Daniel Guyot
Daniel Guyot est le recordman absolu en termes de Diagonales achevées. En trente ans de grandes traversées depuis la Marche des Cimes, il est le trailer le plus assidu. A 60 ans, Daniel Guyot aura passé la moitié de son existence à courir après celle qui affole son palpitant depuis trois décennies. Une certaine Dame Diagonale. L'histoire de La Réunion étant intimement liée à celle de la Bretagne depuis les origines, il n'est finalement pas si étonnant que ça qu'un Breton le soit également à celles du Grand Raid.

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