« Notre marathon du volcan », une belle bambée basaltique… de plus de 42 km pour près de 2 K D+. Daniel Guyot, très en verve, nous relate sa course à travers un panorama exceptionnel.

Acte 1. Départ massif du « Trail du Volcan » à 7 heures depuis les « Grands Kiosques » de la « Plaine des Cafres », 7ème édition après les annulations dues au Covid de 2020 et 21… En 2022, le volcan se réveille à cet évènement sportif devenu une véritable institution rondement menée de mains de Maîtres par Roland Chane See Chu, avec son épouse Marlène, qui se démènent sans compter, et le CAPC (Club d’Athlétisme de la Plaine des Cafres) qu’ils ont fondé. J’ai eu le plaisir de discuter le matin avec un de ses illustres coureurs, Denis Bornot, et son fiston Manu – vieux copain de la noble École Normale… – alias « Le Métronome », grand triathlète des années 90, tous deux bénévoles de cette sacrée épreuve réunissant une marée magmatique de coureurs qui remontent de toutes les profondeurs de l’île, et quasiment tous les meilleurs, les plus chauds pour jaillir des rangs… C’est un gros boulot pour l’organisation en ce jour chômé – outre toute la période de remplissage de la chambre magmatique avant le jour J du départ éruptif – , fête des travailleurs ! André Thien Ah Koon, alias TAK, le maire du Tampon de 81 ans, est présent, qui fait le petit discours précédant le lancement de la meute montant en pression dans un grondement sourd, les vapeurs sortant des nez soumis au matinal froid des hauts… Éruption imminente !
Dans le sillage de Juanito Lebon, l’énergie mise en mouvement est singulièrement explosive, créant cette dense coulée à l’envers qui remontera, dans une danse endiablée, jusqu’à la caldeira… Les projections enflammées fusent de partout autour de moi, Sylvaine Cussot, Clarine Morel, Manuel Tome… Pour ma part, après une mise sur orbite juste correcte pour ne pas trop subir (éviter l’enfermement initial et les bouchons – refroidissements qui figent – du proche passage en mono-trace), je me mettrai sur un mode plus soft. Outre des « crises sismiques » pré-course peu favorables, avec un sérieux manque de repos, je sens qu’un talon de mes célèbres chaussures (avec lesquelles j’ai fait le GRR) a éclaté… Sur un terrain très technique, il me faudra donc comme marcher sur des œufs pour ne pas finir sur une moitié de godasse ; ayant couru déjà 5 « Trail du Volcan », c’est la première fois que je verrai les 3 h s’afficher peu avant l’arrivée… Mireille n’avait pas non plus l’intention de trop en faire et nous finirons tous deux 7èmes de cat. Nous avons en outre les mêmes symptômes résiduels d’un récent Covid, une fatigue de fond et des atteintes pulmonaires qui se révèlent de manière accrue en altitude (Et c’est quand même pour nous le 9ème des week-ends consécutifs de course ; pour cette fête des bosseurs, point trop n’en faut dans les bosses volcaniques… Après le « Trail Charette », la « Boucle du Bassin Vital », la « Griffe du Diable », le « Trail de la Sclérose en plaques », ce « Trail du Volcan » sera le 2ème SAS transitionnel avant un nouveau cycle route, histoire de rester polyvalents…)
Afin de passer des tendres prairies aux rudes scories, – et pour beaucoup, du vert au rouge même au plan sportif, avec les crampes qui s’en suivent… – sur les traces des premiers guides du volcan qui n’auraient jamais pu imager une telle cavalcade aujourd’hui, le beau parcours, globalement en côte, 21,5 km sur 1300 m D+ et 500 m D-, nécessite des relances et des adaptations à différents sols aux appuis délicats. Après un passage au « Nez de Bœuf » puis au « Piton Textor », via l’historique sentier Josémont Lauret (guide mort de froid en 1887) , nous nous hissons à l’altitude 2450 m par le magnifique col de « l’Oratoire Sainte-Thérèse ». S’ensuit une plongée technique où ma prudence m’amène à être ramassé par de nombreux trains de coureurs qui se jettent en descentes, comme c’est de tradition locale sur les trails « courts ». Une fois certains passages enjambés, c’est autant de chutes déjouées… Mais déjouer n’est pas souffler : tout relâchement pourrait être fatal encore, dans en cet univers martien où il ne faut surtout pas être dans la lune le moindre instant… Sans prétendre épouser posément la roche sauvage comme le poète, je reste une sorte de pétochard de la pousse en pentes raides et rudes, faisant profil bas, en vieux renard qui gère, parmi les jeunes bouquetins bondissants… Sur du trail court, ils font la différence… En bas, la traversée de la « Plaine des Sables » me convient mieux ; via la « Griffe du Diable », le gîte et le « Pas de Bellecombe », l’arrivée n’est plus très loin…
C’est une rare ambiance de finish qui règne au parking du “Pas de Bellecombe”. Tout y est ; rien à redire. Le maloya enjoué accompagne le front de coulée qui stoppe en bord de caldeira avec une vue sublime sur la Fournaise. Comme d’habitude, on ne peut qu’applaudir à la totale réussite de cet évènement sportif. Le temps était en outre de la partie pour ce 1er mai 2022.
Félicitations à l’indéracinable bûcheron des hauts, parti bille de bois en tête, et qu’aucun terrain ni personne n’arriveront à scier les jambes… Mais aussi à ses deux vaillants poursuivants, les sympathiques champions « Tic –Tac » salués au départ : Jean-Paul Vitry et Jean-Eddy Lauret… Et fini le temps pour moi de la grimpe devant Fleur Santos, comme au « Cross du Piton des Neiges » 2016. Quelle progression pour une belle première place sur ce « Trail du Volcan », avant sa consécration aux championnats de France ! Comme sur la Diagonale, le « Trail du Volcan » a l’art de réunir un beau plateau d’élites et de passionnés amateurs, dans une belle dynamique partagée.

Acte 2 – Retour en mode rando, – on se la coule à l’endroit – avec variante depuis le « Piton Textor » par le sentier du « Chalet des Pâtres ». De vieux souvenirs de traversées « lontan »… Sitôt notre demi-tour engagé, c’est l’occasion d’encourager et de rebooster les concurrents encore en course, et que nous croisons jusque là « Plaine des Sables »… Nous n’aurons pas utilisé les services offerts par l’organisation, et que tous les coureurs attendent après leur effort de montée: dépôts de sacs au départ depuis la « Plaine des Cafres » pour être acheminés à l’arrivée, ainsi que navettes de bus pour le retour aux « Grands Kiosques » du point de départ…
Mais, afin de ne rien perdre de cette escapade – comme pour la “course de côte de Takamaka” qui était prévue le même jour mais annulée, ainsi que le « Cross du Piton des Neiges » sans recours aux navettes d’hélicos… -, j’ai toujours joué l’autonomie en effectuant un retour à pied, au profit d’une bonne récupération active ; ce serait un sacrilège pour moi que de revenir par moyens motorisés ; s’en retourner par d’autres sentiers, nez vers la « Plaine des Cafres », procède d’une toute autre façon d’investir les lieux et avec des points de vues inversés ; je passe de la meute à la solitude contemplative dans des paysages d’exception, excluant donc toute prévision de palmarès pour l’aller – si tant est que j’en sois capable, et cette année, bien improbable vu les cadors sortis du bois… – et me privant du repas d’arrivée que les coureurs disent bien apprécier… Mais ce retour à pied est aussi un délice, un dessert de course d’autant plus savoureux dans un cadre de désert lunaire.
Quoi qu’il en soit, ma passion de la nature ne dégénérera jamais en un culte des prouesses qui l’en priverait ; pas plus que je ne m’improviserai jamais en une sorte de maître glorieux de ces hautes terres basaltiques… A une morale de la ponctuelle prouesse, je préfère une durable sagesse des possibles… Je l’ai déjà trop longuement expliqué : la vitesse sur route (du 10 au 100 km) et l’ultra-trail, constituent mes options de prédilection pour me préserver, car la vitesse sur trail court et technique permet rarement d’arriver à mon âge en bon état ; or, je veux par-dessous tout garder mes pleines capacités de grimper des sommets le plus longtemps possible, – les pyrénéens et ceux d’ailleurs -, où la vitesse n’a guère sa place (Ueli Steck et autres, l’ayant trop intégrée jusqu’aux limites du possible, en sont morts, bien trop tôt…) La démocratisation des excès dans le trail provoque moult blessures et usures qui ne m’ont jamais emporté, ni même concerné de près ou de loin…
Physiquement de retour du « Trail du Volcan », nous ne pouvons qu’en restituer un retour perceptif très positif… Merci à Marlène et Roland Chane See Chu. Bravo à tous les coureurs du « Trail du Volcan » et au dévouement singulier des organisateurs et bénévoles, sans oublier les partenaires ; grâce à eux tous, le TDV est devenu une épreuve phare du calendrier réunionnais, et qui fait carton plein en tapant d’emblée dans le 1000 (participants), tout en devant refuser des centaines de coureurs… Pour nous, ce fut aussi une journée fort bien remplie avec, au global, plus de 42,8 km pour 1800 D+ ; certes pas trop intenses mais rendant néanmoins notre 1er mai pas trop chômé non plus au plan « sportif », et en phase avec une bonne immersion dans l’altière nature matricielle de l’île…

Texte et photos : Daniel Guyot

   Envoyer l'article en PDF   
Article précédentSavaldor : Les demis en ligne de lire
Article suivantMaxime Huscenot à Teahupo’o
Daniel Guyot
Daniel Guyot est le recordman absolu en termes de Diagonales achevées. En trente ans de grandes traversées depuis la Marche des Cimes, il est le trailer le plus assidu. A 60 ans, Daniel Guyot aura passé la moitié de son existence à courir après celle qui affole son palpitant depuis trois décennies. Une certaine Dame Diagonale. L'histoire de La Réunion étant intimement liée à celle de la Bretagne depuis les origines, il n'est finalement pas si étonnant que ça qu'un Breton le soit également à celles du Grand Raid.

LAISSER UNE RÉPONSE

S'il vous plaît entrer votre commentaire!
Veuillez entrez votre nom ici