Victime de son succès, le trail à la Réunion ne serait-il pas en train de perdre un peu de son attrait. Et de son âme. Face à la multiplicité des épreuves, pas un week-end sans une course. Au détriment peut-être de la qualité et de l’intérêt de certaines. Trail, attention, risque d’overdose.

Face à la multitude de trails organisés chaque week-end, le risque encouru pour les organisateurs et les coureurs frôle l’indigestion. La Réunion arrive à saturation, avec le risque de voir la qualité des courses baisser. Et de lasser les participants. Le dernier en date, 97,4 qui reliera La Possession à Saint-Joseph demain à 4h00, attire nombre de critiques quant à son organisation avec seulement 200 concurrents au départ. Comme le relate l’article du Quotidien de ce jour, « les kadors ont zappé ». Va-t-on vers une désaffection de certaines courses ?

La Réunion terre de trail. C’est un fait. Depuis plus de dix ans, les courses toutes catégories remportent un franc succès. Le nombre de licenciés ne cesse de croître faisant de cette discipline un vrai phénomène sportif. Et les magasins de sports ne s’y sont pas trompés.
L’effet Grand Raid n’y est pas pour rien non plus, avec la médiatisation de cet événement qui a dépassé nos frontières. 30 ans que cela dure. Avec la venue de pointures, la Diagonale des Fous reconnue comme l’une des courses les plus dures au monde a participé de ce fait à la reconnaissance de ce sport auprès d’un large public. Une renommée qui fait de notre île un terrain de jeu incroyable. Faudra t-il alors instaurer un label pour les courses afin que ne se développent toujours plus de compétitions à l’organisation aléatoire, encourageant inévitablement un certain appât du gain.
Doit-on voir dans la multiplication des courses un amour immodéré du trail ou bien alors une certaine idée du sport plus mercantile.
La question est posée. Pour Eric Lacroix, auteur du livre « Trail », professeur agrégé d’Éducation Physique et directeur du service des sports de l’Université de La Réunion, « tout le monde veut organiser sa course. Le côté passionnel du trail ne doit pas se faire au détriment du fonctionnel dans l’organisation. Il faut assumer. On arrive à un vrai problème dans la gestion du calendrier. La compétition amène l’aspect spectacle avec la diversification des épreuves. Il importe de ne pas considérer le trail comme un mode de consommation. Chacun doit pouvoir y trouver son compte dans les différents formats proposés. J’ai peur que l’on arrive à un point de rupture. Depuis deux ans, on assiste à de nombreuses annulations de courses. Pour preuve, celle du Cross du Piton des Neiges. Il faudrait mettre en place une forme d’adhésion avec des assises autour d’un calendrier cohérent en fonction de nos deux saisons et des distances. Il y a une vraie réflexion à mener afin de valoriser les championnats. On a atteint une vraie liberté de pratiquer. On n’est plus dans une codification des formats. On ne sait plus qui fait quoi. Le trail est devenu très populaire, c’est un peu le revers de la médaille. Il faut savoir retrouver certaines valeurs sportives pour mieux accompagner les organisateurs » conclue le coach.

Pour Stéphane André d’Ilop, « le trail a connu une évolution à l’identique de la course sur route, excepté que nous n’aurons jamais de hordes sur les sentiers. L’esprit trail reste à l’échelle humaine de par les contraintes environnementales et son ambiance, qui conserve les codes de la montagne, sympathique et conviviale. Au début, les pratiquants étaient de purs montagnards puis on a évolué vers une discipline sportive à part entière avec des athlètes de haut niveau. Parallèlement, l’apparition d’un marché économique a rendu le trail plus identifié sociologiquement, plus élitiste aussi ».

Il apparaît donc que la Réunion est arrivée à un point crucial de l’évolution de cette discipline. Le Grand Raid a ouvert la voie et les appétits. Doit-on aller vers une plus grande professionnalisation dans l’organisation ? Vers la création d’un label ? La question reste posée.

Texte et photo Pierre Marchal

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