Après près de quarante à enseigner le karaté, Pierre Grondin a élargi son art et s’est tourné vers la bioénergie et l’Amma assis, massage de détente et de relaxation venu du Japon.

1975. Le cinéma Rio est « the place to be » à Saint-Denis pour les films de karaté. A La Réunion, la salle de judo de l’ancienne salle des pompiers, rue Maréchal-Leclerc, tisse ce lien avec l’art martial de Bruce Lee. Alix Mazaka d’un côté. Les Chan Liat de l’autre, à Saint-Jacques. Pierre Grondin a 14 ans : « Lorsqu’on revêt la tenue, le kimono, on se sent devenir comme un super héros, on est envahi, imprégné par des valeurs comme la rigueur, le respect. Et lorsqu’on récite les katas, c’est une vraie magie qui s’empare de nous. »

A la suite d’Alix Mazaka, c’est une génération de karatékas qui émerge. Les Coupama, Valère, Lauret-Steppler ou Pierre Grondin sont ces « premiers de cordée ». Les lauriers ne tardent pas. « Nous avons été des défricheurs, en quelque sorte, se remémore Pierre Grondin. En 1987, avec Patrick Mazaka et Eric Chane Yong Hime, je décroche une médaille de bronze au championnat de France par équipes katas. Arriver seuls en métropole, sans repères, en nous débrouillant avec les moyens du bord, ce n’est pas une sinécure. »

Il termine sa carrière de compétiteur en 1990, capitaine de la sélection de La Réunion à l’occasion d’un Réunion-Maurice. Jean-François Lebon, Hospital ou Darmalingom sont ses derniers compagnons de tatami. Mais c’est un autre homme, revêtant l’habit de formateur, qui émerge.

La formation, chemin vers le haut niveau

Car en 1981, Pierre Grondin est aussi l’un des premiers, si ce n’est le premier, à posséder le brevet d’Etat premier degré dont la partie spécifique se déroule à Paris. Enseigner est sa seconde nature. A tel point qu’il passe son année de trouffion de base à encadrer les gradés ainsi que leurs enfants dans sa discipline, des gradés qui lui sont tellement reconnaissants qu’ils n’hésitent pas à l’inviter à déjeuner régulièrement au mess des officiers !

Le brevet d’Etat 2e degré, en 1987, le conforte dans son objectif : créer l’école des cadres de la ligue, dirigée alors par Jean-Claude Chan Liat. C’est fait en 1990. « A partir de ce moment, on pouvait passer la partie spécifique à La Réunion et essaimer dans tous les clubs. » Il dirige cette école jusqu’en 2007 et devient responsable de la formation, directeur technique de ligue, depuis cette date. Il vient de passer le flambeau à l’un de ses anciens élèves, Jacky Lebon. Le bilan comptable est impressionnant : 110 clubs pour plus de 5 000 licenciés, disciplines apparentées comprises.

« C’est le cheminement vers le haut niveau, se justifie-t-il. Le résultat, ce sont les titres de championne d’Europe de Lucie Ignace et tous les autres podiums nationaux et internationaux obtenus. Plus le tissu associatif est volumineux, plus on a de chances de voir émerger des champions. » Le karaté a permis à Pierre Grondin de revêtir deux costumes, celui de sportif et d’enseignant, et de s’y trouver toujours à son aise. « Accompagner les jeunes, repousser encore et encore les compétences, tout cela a fait grandir un bébé qui, je l’espère, pourra dignement représenter l’île au sein d’un olympisme tant désiré et désormais acté pour Tokyo. La Réunion s’était hissée une année au deuxième rang national des ligues et comités. L’aboutissement d’un long travail. »

« J’ai encore tout à apprendre »

A 58 ans, entre la carrière professionnelle – formateur d’adultes pendant vingt-six ans – et sportive – « quel bonheur de voir d’anciens karatékas que j’ai formés revenir sur le tatami et passer leurs grades » –, Pierre Grondin se dit que, finalement, tous ces efforts n’ont pas été vains : « Chacun trouve sa voie à travers les arts martiaux. Haut niveau ou simple discipline personnelle, du moment que la pratique demeure, et avec elle toutes les valeurs qu’elle véhicule. »

Cette quête tournée vers les autres découlait d’un cheminement intérieur : « C’est grâce à la pratique des arts martiaux que j’ai acquis une confiance, que j’ai pu affronter un jury. Et transmettre un savoir. D’anciens élèves qui sont maintenant 5e dan, sont mères ou pères de famille épanouis. Certains m’ont confié leurs enfants. J’en tire beaucoup de satisfaction. Cette filiation va dans la logique des arts martiaux. »

Chassez le naturel, il revient au galop. Formateur dans l’âme, le karatéka se verrait à Mayotte et côtoyer à nouveau, le temps d’une formation, son mentor Alix Mazaka, qui y séjourne depuis de nombreuses d’années. « J’arrive à une autre période de ma vie. J’ai encore tout à apprendre. » Cette quête perpétuelle, c’est également elle qui l’a entraîné sur des chemins de traverse, à travers les philosophies et les soins énergétiques. « J’ai cherché une connexion entre le karaté et la vie de tous les jours, comment aider les autres, pas seulement à travers ma discipline, mais en utilisant cette même énergie pour l’être humain en lui-même, en ce qu’il a de plus profond. »

Un dojo qui a une « âme particulière »

Cette jonction entre les voies interne et externe, Pierre Grondin l’a découverte au fil de ses voyages initiatiques, à Londres, au Japon ou en métropole. Il a étudié les méthodes de régulation énergétique, celles qui organisent les flux de santé et de bien-être. « C’est très écolo, sourit-il. Par le toucher, la palpation, ce qui dysfonctionnait fonctionne à nouveau normalement. Je ne suis pas en opposition à la médecine traditionnelle. Simplement, je me permets d’apporter une solution différente, sans artifice extérieur. »

Il obtient un cursus complet pour dispenser l’Amma assis, approche globale qui combine des méthodes de prévention, de traitement et de relaxation par le simple toucher. Les effets apaisants et énergisants sont impressionnants : « Il peut tout aussi bien diminuer l’excitabilité, soulager du stress et entraîne un bien-être général. »

Et pour être complètement à l’aise avec sa nouvelle voie, pourquoi ne pas s’organiser matériellement… en construisant son dojo. « C’était un terrain familial. Un jour, mon père m’a demandé pourquoi je ne profitais pas de l’espace situé à l’arrière de sa maison pour y construire mon dojo. C’est ce que j’ai fait. J’y ai ajouté une salle, au rez-de-chaussée, dédiée aux techniques énergétiques. Le dojo est quasi constamment ouvert, on peut s’y entraîner à toute heure. Il n’y a qu’à m’appeler ! »

Pierre Grondin inaugure le Run Kyokushin Honbu (RKH) le 1er janvier 2006. Cette date, il la garde au fond de son cœur comme une étape essentielle de sa vie. « On a alors réalisé un entraînement poussé, à fond, au cours duquel on a senti que quelque chose se passait, que cette salle était chargée énergétiquement. Et tous les premiers de l’An, on renouvelle ce rituel. C’est une façon de donner à ce lieu une âme, une atmosphère bien spéciale. »

Donner, un mot qui sonne comme un leitmotiv. « Etre un passeur comme je l’ai été, c’est aussi se prolonger à travers une pratique. Je m’estime encore jeune et, quelque part, enseigner c’est être immortel, du moment que les maillons de la transmission du savoir sont bien en place. Mes quarante années de karaté n’auront pas été vaines, c’est l’essentiel. » Heureux qui comme Pierre…

Texte: Jean Baptiste Cadet
Photo: Luc Ollivier

58 ans, 43 ans de karaté, directeur technique de ligue, enseigne les méthodes énergétiques

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