Le Dionysien Loïc Bourane est le premier Réunionnais à obtenir une « carte pro » dans le domaine du body-fitness après sa victoire à l’Arnold Classic de Johannesburg en mai 2018. Une forme de consécration pour l’adolescent malingre qu’il était.

A l’adolescence, mesurer près d’un mètre quatre-vingts et peser à peine plus de soixante kilos peut ne pas représenter un avantage. Et même carrément vous donner des boutons. C’est la situation dans laquelle se trouvait Loïc Bourane il y a une dizaine d’années. « C’est vrai que je n’étais pas bien dans ma peau. Et je pense que cela rejaillissait sur mon comportement. J’étais maigre et complexé. » Ni une, ni deux, c’est en 2010 que le Dionysien pousse les portes d’une salle de remise en forme, à Saint-André, sur les conseils d’un ami, disparu il y a un an peu plus d’an, « que je considérais comme mon frère ».

Depuis la progression de Loïc Bourane est constante. « J’ai commencé à prendre quelques kilos, j’ai pris goût à ça. » La première compétition a pour cadre Plateau Caillou en catégorie Men’s physique. Pour les néophytes, ce vocable regroupe les hommes jugés sur le haut du corps et les mollets, sans hypertrophie notable. A la différence du bodybuilding pur et dur. « C’est notre ligne esthétique qui est jugée, abonde Loïc Bourane. C’est vrai qu’on compare notre apparence à un style de surfeur avec le bermuda, mais pour moi ça n’est pas forcément péjoratif. Je pratique cette discipline pour avoir un physique plus accessible sans chercher à être hypertrophié, comme peuvent l’être les bodybuilders. D’ailleurs, quand je suis en bras de chemise, dans la vie de tous les jours comme au bureau, personne ne remarque particulièrement mon physique. »

81 kg « sec » !

A voir… Parce que désormais l’adjoint administratif au conseil général affiche, hors saison, 92 kg sur la balance, des épaules de déménageurs et une « planche » d’abdos impressionnante. Et les résultats ne se sont pas fait attendre : 1er men’s physique en 2013 et 2014 ; 3e au championnat de France 2015 ; 2e en 2016. Une première consécration est arrivée en 2017 à Santa Suzanna, près de Barcelone, avec le titre de champion d’Europe chez les plus de 1,78 m avant le titre à Johannesburg, le 20 mai 2018, à l’occasion de l’Arnold Classic Africa, l’une des plus importantes compétitions planétaires « sponsorisée » par le roi Schwarzenegger en personne.

« C’est vrai que sur cette compétition, j’avais pour ambition première de me placer dans le Top 6. Ça s’est décidé lors du dernier « call out », la dernière comparaison entre les compétiteurs. C’est une formidable récompense. » Classé chez les amateurs avant le rendez-vous africain, Loïc Bourane, en remportant « l’overall » (toutes catégories), a obtenu une carte pro, une grande première pour un Réunionnais. « C’est l’aboutissement de beaucoup de travail, remarque-t-il. Celui d’organisateur de Jérôme Dorseuil, [président de l’IFBB Réunion], le soutien de Franck Chèze [patron de Fitness One, salle où il s’entraîne], les conseils de Stéphane Fontaine [son coach]. »

Et également d’une discipline de vie stricte. Quatre séances par semaine hors compétition, cinq à six en période de préparation il faut descendre jusqu’à 81 kg « sec » ! « Je travaille groupe musculaire par groupe musculaire, explique-t-il. Pas à pleine charge mais je m’applique sur la technique d’exécution, à la différence des « lifteurs ». Et bien sûr un régime approprié. » Lequel se compose de suppléments et de nutriments essentiels à la discipline, et qui représentent un coût, au moins 300 euros par mois. « Je pense que, au fil des ans, j’ai acquis une connaissance plus pointue de mon corps, des flux qui régulent le métabolisme. Je sais ce qui me réussit, ce qui ne me réussit pas. J’en parle avec mon coach, de mon ressenti et on peut réajuster le régime. »

« Je fais attention à tout ce que je mange »

En revanche, quelques jours avant de monter scène et de défier jury et public, la recette est immuable : eau, sel et glucides dosés avec précision ; décharge glucidique à trois ou quatre jours de la compétition ; rebond afin de vider les réserves en glycogène et les réintégrer « en étant plus plein et aussi sec » ; plus de sel les derniers jours… « C’est la première année où je n’ai pas de gros relâchement au niveau de mon physique, analyse Loïc. Je parviens à me contrôler parfaitement sans reprendre trop de poids entre les compétitions. » Mais cela au prix d’une discipline de fer. « C’est vrai que je fais attention à tout ce que je manque, je pèse tout. Même en repas de famille, j’amène ma barquette. Mais mes proches le comprennent très bien. »

Ces « concessions » faites à son sport, le champion ne les voit pas comme une contrainte. « C’est là que je me retrouve. C’est vrai qu’on ne mange pas comme tout le monde. C’est un style de vie, mais ce n’est pas ma vie. Je suis quelqu’un de réservé. Et je m’assume très bien dans ma vie personnelle. » Si le physique de Ken – vous savez le fiancée de la poupée Barbie – semble bien être un avantage auprès des filles [sourire entendu], Loïc Bourane n’en rajoute pas et préfère se concentrer sur ses objectifs futurs. « La carte pro me permet désormais prétendre à des gains en espèces, détaille-t-il. C’est quelque chose à ne pas négliger car notre discipline n’est pas très démocratisée et il existe peu de partenaires décidés à nous aider. »

Reconnu par ses pairs, le Réunionnais, à 29 ans, a conscience d’avoir franchi un palier. « Mais si je fais tout ça, c’est pour moi, pas pour les autres. Et tant que je pourrai demeurer à un haut niveau, je le ferai. J’y trouve mon équilibre. » Un équilibre tout en muscles…

Texte: Jean Baptiste Cadet
Photo: Luc Ollivier
29 ans, vainqueur de l’Arnold Classic Africa, catégorie Men’s Physique

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