5e dan de kali arnis eskrima, art martial originaire des Philippines, Jean-Claude Calimoutou est devenu expert dans une discipline qu’il juxtapose au moring des anciens, avec le même souci identitaire.

Il trône,  martial, au milieu du décor verdoyant des cannes. Lui, revêtu de son armure bleue et rouge et armé d’un long bâton. Tel un samouraï des temps modernes, défiant une armée imaginaire. Jean-Claude Calimoutou, 53 ans, incarne depuis plusieurs années son art, le kali arnis eskrima, groupe d’arts martiaux rattaché au silat, originaire des Philippines. L’histoire raconte que ses adeptes, armés de bâtons courts ou longs, couteaux et diverses lames, lances ou haches, sont parvenus à repousser l’envahisseur espagnol au XVIe siècle.

« J’ai découvert le kali à la fin des années 2000, raconte le Sainte-Suzannois. Avec Jacky Farza à Saint-Denis, Alain Babet à La Possession ou Fabien Ceüs à Saint-André, peu de monde pratiquait le kali. C’est Charles Maillot qui m’a donné le goût du kali, cette discipline et cette rigueur indispensables. » Après quelques stages de perfectionnement en Angleterre et en métropole, retour dans l’île et immersion complète aux Philippines, dans l’île de Cebu, au cœur des arts philippins. « Tout au long de mon apprentissage, j’ai rencontré des pratiquants extraordinaires, des gens simples, de tous âges, et d’une efficacité redoutable. »

 « A leur contact, nous apprenons l’humilité »

Depuis 2004, Jean-Claude effectue le voyage à Cebu quasiment une fois l’an, en compagnie d’un groupe de son association Kaïasse (Kali Arnis Insertion Arts Sports Silat Eskrima). « Partir seul ne m’intéresse pas, soutient-il. L’important, c’est de vivre ce que les gens vivent là-bas, apprendre à leurs côtés. Ici, nou plèr le vent’ plein. Eux se contentent de ce qu’ils ont. A leur contact, nous apprenons l’humilité. » Et le don de soi, lorsque, par exemple, le groupe offre l’équivalent de 1 000 euros de nourriture pour cinq villages, Jean-Claude et son épouse aident à la construction d’une église… « Si j’avais plus de moyens, on aurait aidé encore plus. Avec ce qu’on peut apporter, c’est déjà beaucoup pour eux. »

Sportivement parlant, Jean-Claude Calimoutou est désormais un maître reconnu et incontesté de son art. Champion du monde dans pratiquement toutes les armes que le kali donne à pratiquer – bâtons long ou court, poignard, double bâton… – il a été un temps stoppé dans son élan par une vilaine blessure à l’épaule qui l’a tenu éloigné des tatamis de 2008 à 2011. Il en est revenu plus fort, puisqu’en 2016, il a conquis les titres mondiaux dans six catégories.

« Ils se nourrissent de leur passé pour rester fort »

Il y a deux ans, il a préféré laisser sa place à d’autres membres de Kaïasse – « faire profiter les autres de l’expérience d’une telle compétition est plus enrichissant » – et se concentre sur l’enseignement de son art. Il est en effet référence 5e dan aux yeux de la fédération mondiale philippine et 4e dan pour la fédération française de karaté, à laquelle le kali eskrima est depuis peu rattaché. Le tout avec le soutien indéfectible de la municipalité de Sainte-Suzanne et les aides ponctuelles de la Région et du Département. « Si le jumelage avec Cebu se fait, on entrera alors dans une dimension d’échanges plus intenses avec les Philippines. »

Car une partie de l’âme de Jean-Claude Calimoutou se trouve quelque part sur ces îles oubliées de l’archipel. « Ce sont des gens simples, humbles, qui se nourrissent de leur passé pour rester fort. » Un peu comme les anciens « moringèrs », chez qui le « kalista » – pratiquant de kali ­– puise son autre source d’inspiration. « Chez nous, à La Réunion, le moring ne peut se transmettre qu’à travers la parole des anciens, soutient-il. Qui eux-mêmes se réfèrent aux paroles des chansons, de la musique qui accompagne les combattants. Dans le moring, c’est la musique qui dicte le « ron ». On « casse » la musique selon un certain code ; il y a une façon bien précise de tourner dans le « ron », un temps pour donner le coup de pied. C’est comme le kali, on apprend l’humilité et le respect. Si on donne un mauvais coup, on doit accepter de sortir du « ron ». Cela veut dire qu’on n’a pas la bonne mentalité. C’est comme ça. Et ça, ça ne s’apprend pas, ça se transmet par la parole, par la musique, par l’écrit. C’est l’histoire qui nous l’apprend. »

Un sage partagé entre les Philippines et La Réunion… Peut-être. Le rêve de Jean-Claude Calimoutou est de jeter un pont éternel entre ces deux rives d’un même continent, celui de l’art de la guerre et de la danse, uni dans le respect et la tradition…

Texte: Jean-Baptiste Cadet
Photo: Pierre Marchal

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