L’histoire de La Réunion est intimement liée à celle de l’escrime. Et inversement. Pratiqué de tous temps sur l’île, le premier sport olympique français y a fait son trou au fil des âges. Et de nos jours, la qualité du Bourbon pointu n’est plus à démontrer.

L’histoire de l’escrime a commencé en même temps que celle de l’Humanité. Ou presque. Il n’est donc pas étonnant d’apprendre qu’à La Réunion, sa pratique remonte à la fin de XVIIe siècle, avec l’arrivée des premiers hommes. Terre de pirates et de flibustiers, l’île de Bourbon a été le théâtre de de nombreux duels à l’arme blanche avant de devenir aujourd’hui un terreau fertile dans l’apprentissage de sa version moderne.
Pour retrouver les premières vraies traces de l’enseignement de ce sport de combat piquant à souhait, il faut remonter à 1850, date de la fondation du premier cercle civil d’escrime, dirigé par Maître Picaud à l’époque. Mais au XIXe siècle, l’art noble se cantonne à une poignée de colons, de militaires et de hauts fonctionnaires, avant de faire son apparition aux premiers Jeux de l’ère moderne, à Athènes en 1896.
À La Réunion, c’est en 1904, quatre ans après les JO de Paris, que les premiers cercles voient le jour à Saint-Paul, Saint-Benoît, Saint-André ou encore Saint-Pierre. Les balbutiements d’une « démocratisation » encore timide. En 1930, avec la création de la Fédération Sportive Réunionnaise (FSR), l’armée perd le contrôle du sport sur le rocher. Elle se muera en 1941 en Comité des Sports de l’Île de La Réunion. Cependant, jusqu’aux années 60, on peut encore parler de discipline confidentielle, avec une vingtaine de pratiquants en tout et pour tout, répartis sur deux sociétés.

8 clubs, 400 licenciés

C’est véritablement en 1964, avec l’arrivée de Maître Arrighi au Creps de Saint-Denis, que l’escrime va connaître un essor populaire significatif. Cette fois-ci, le terme de « démocratisation » n’est pas usurpé. L’escrime inflitre le tissu scolaire. On l’enseigne notamment au lycée Leconte-de-Lisle à Saint-Denis. Parmi les élèves les plus brillants, un certain Mario Bourdageau s’avère imbattable. Bien des années plus tard, après s’être exporté « lot koté la mer » pour y passer sa maîtrise d’armes, il supervisera entre autres l’équipe de France féminine de fleuret aux JO d’Atlanta 96.
Cette année ô combien fondatrice correspond également à la création du premier comité d’escrime, rattaché à la ligue d’Aix-Marseille. En 1970, le club de Joinville, doyen des huit clubs proposant de nos jours l’enseignement du premier sport olympique français sous nos latitudes, voit le jour, renaissant des cendres du Cercle de Bourbon. Et dix ans plus tard, en 1980, la ligue d’escrime réunionnaise, telle qu’on la connaît sous sa forme actuelle, remplace le comité. De 1964 à 2019, en 55 ans de fonctionnement, du Dr Hossein à Gladys Gobale, treize présidents de sont succédé à la tête de l’escrime 974.
Sportivement parlant, La Réunion, qui pâtissait d’un retard certain comparé aux Antilles, dotées d’un pôle espoirs depuis 1992, a considérablement comblé le fossé au court des décennies écoulées. En 1995, Julien Hibon, l’épéiste de la Buse, frappe un grand coup à la Halle Carpentier en devenant le premier tireur ultramarin à s’imposer lors de la Fête des Jeunes. Un sacre qui aura le don de décomplexer les mousquetaires de Bourbon et d’offrir une tout autre crédibilité à l’escrime « made in Réunion », jadis considérée comme exotique aux yeux des responsables nationaux.
Aujourd’hui, la ligue 974 est la plus développée d’outre-mer. Avec près de 400 licenciés au dernier recensement, datant de décembre 2018, et huit clubs (Buse, Bec, Joinville, CEO Port, Spec, MdF, Espadon, Tampon) entièrement acquis à sa cause, elle fait office de figure de proue et est désormais crainte, autant que respectée, sur les pistes de France. Et de Navarre. Les bretteurs du cru n’ont d’ailleurs jamais été aussi nombreux à peupler les différentes structures d’élite dans l’Hexagone, où ils sont près d’une dizaine à tirer vers le haut.

Texte : Etienne Grondin
Photo: Pierre Marchal

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